Moquettes, tissus tendus et responsabilité contractuelle de droit commun

Publié le 07 janvier 2012 par Christophe Buffet

Un arrêt sur cette question :

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 juin 2009), rendu sur renvoi après cassation (3° civ. 26 septembre 2007, N° 06-17.216), que la société civile immobilière Palais Napoléon (la SCI) a fait édifier une résidence sous la maîtrise d'oeuvre de M. X..., architecte, assuré auprès de la société Mutuelle des architectes français (MAF) ; que le lot "revêtement des tissus tendus" des parties communes et des parties privatives a été confié à M. Y..., ces travaux ayant été réceptionnés en juin 1993 ; que le lot moquette a été attribué à M. Z... ; qu'à la suite de l'apparition de salissures sur les tissus et les moquettes, la SCI a assigné la société d'assurance Allianz, assureur au titre d'une police unique de chantier, M. Y..., M. Z..., M. X... et la MAF, afin d'obtenir réparation de son préjudice ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1792-3 du code civil ;

Attendu que pour déclarer la SCI irrecevable en son action en réparation des désordres relatifs aux tissus tendus et aux moquettes , l'arrêt retient que ceux-ci, installés avant réception de l'ouvrage et parfaitement détachables de leur support, sans dégradation de ce dernier, constituent des éléments d'équipement dissociables au sens de l'article 1792-3 du code civil ;


Qu'en statuant ainsi alors que la demande en réparation des désordres affectant les moquettes et tissus tendus, qui ne sont pas des éléments d'équipement soumis à la garantie de bon fonctionnement de l'article 1792-3 du code civil, ne peut être fondée, avant comme après réception, que sur la responsabilité contractuelle de droit commun, la cour d'appel a violé le texte susvisé

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes en paiement de la SCI à l'encontre de M. X... et de la MAF au titre des désordres affectant les moquettes et les tissus tendus, l'arrêt rendu le 25 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. X... et la MAF aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... et la MAF à payer la somme globale de 2 500 euros à la SCI Palais Napoléon et à la société Gauthier-Sohm, ès qualités ; rejette la demande de M. X... et de la MAF ; 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société Gauthier-Sohm, ès qualités et a.

PREMIER MOYEN DE CASSATION 

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la SCI Palais Napoléon irrecevable en son action en réparation des désordres relatifs aux moquettes et tissus tendus ;

Aux motifs que la SCI Palais Napoléon estimant que l'action en réparation des désordres affectant les tissus tendus et les moquettes ne relève ni de la garantie légale de bon fonctionnement ni de la garantie décennale écartée par l'arrêt de cette Cour du 13 avril 2006 non cassé sur ce point s'estime recevable à agir au vu du rapport d'expertise à l'encontre de l'architecte sur le fondement de la faute au stade de la conception et de l'exécution, les dommages résultant de l'association malencontreuse de tissus tendus avec la ventilation mécanique (revêtements muraux) et de l'absence et de l'insuffisance du détalonnage des portes (moquettes) et au titre de son devoir de conseil pour n'avoir pas informé des risques des désordres induits par le choix des techniques adoptées alors que depuis 10 ans, l'incompatibilité entre la VMC et les tissus tendus était connue ; que selon l'article 1792-3 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 8 juin 2005 et applicable au présent litige, les autres éléments d'équipement (que ceux visés à l'article précédent) du bâtiment font l'objet d'une garantie de bon fonctionnement d'une durée minimale de deux ans à compter de la réception de l'ouvrage ; que les moquettes et tissus tendus installés, ce qui n'est pas contesté, avant réception de l'ouvrage et parfaitement détachables de leur support sans dégradation de ce dernier, constituent des éléments d'équipement dissociables au sens de l'article 1792-3 du Code civil et sont soumis à la garantie légale de bon fonctionnement de deux ans ; que la SCI Palais Napoléon ne soutient pas en cause d'appel que les désordres affectant les tissus tendus et les moquettes consistant en la présence de tâches inesthétiques rendent l'ouvrage impropre à sa destination ; que dès lors la responsabilité de Monsieur X... ne pouvait relever que de la garantie biennale de bon fonctionnement de deux ans laquelle était expirée le jour de l'introduction de l'instance au fond, par actes des 2, 5 et 10 octobre 2000 ; que la SCI est donc irrecevable en son action à l'encontre de l'architecte et de son assureur au titre des désordres affectant les moquettes et tissus tendus ;

Alors que selon l'article 1792-3 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 8 juin 2005, la garantie biennale de bon fonctionnement s'applique aux « éléments d'équipement du bâtiment » ; que des tissus tendus et des moquettes ayant un rôle purement esthétique ne constituent pas un élément d'équipement du bâtiment et ne peuvent quelle que soit la date de leur mise en oeuvre ou leur caractère dissociable ou non, relever de la garantie biennale de bon fonctionnement ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1147 et 1792-3 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION 

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la SCI Palais Napoléon irrecevable en son action en réparation des désordres relatifs aux tissus tendus ;

Aux motifs que la SCI Palais Napoléon estimant que l'action en réparation des désordres affectant les tissus tendus et les moquettes ne relève ni de la garantie légale de bon fonctionnement ni de la garantie décennale écartée par l'arrêt de cette Cour du 13 avril 2006 non cassé sur ce point s'estime recevable à agir au vu du rapport d'expertise à l'encontre de l'architecte sur le fondement de la faute au stade de la conception et de l'exécution, les dommages résultant de l'association malencontreuse de tissus tendus avec la ventilation mécanique (revêtements muraux) et de l'absence et de l'insuffisance du détalonnage des portes (moquettes) et au titre de son devoir de conseil pour n'avoir pas informé des risques des désordres induits par le choix des techniques adoptées alors que depuis 10 ans, l'incompatibilité entre la VMC et les tissus tendus était connue ; que selon l'article 1792-3 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 8 juin 2005 et applicable au présent litige, les autres éléments d'équipement (que ceux visés à l'article précédent) du bâtiment font l'objet d'une garantie de bon fonctionnement d'une durée minimale de deux ans à compter de la réception de l'ouvrage ; que les moquettes et tissus tendus installés, ce qui n'est pas contesté, avant réception de l'ouvrage et parfaitement détachables de leur support sans dégradation de ce dernier, constituent des éléments d'équipement dissociables au sens de l'article 1792-3 du Code civil et sont soumis à la garantie légale de bon fonctionnement de deux ans ; que la SCI Palais Napoléon ne soutient pas en cause d'appel que les désordres affectant les tissus tendus et les moquettes consistant en la présence de tâches inesthétiques rendent l'ouvrage impropre à sa destination ; que dès lors la responsabilité de Monsieur X... ne pouvait relever que de la garantie biennale de bon fonctionnement de deux ans laquelle était expirée le jour de l'introduction de l'instance au fond, par actes des 2, 5 et 10 octobre 2000 ; que la SCI est donc irrecevable en son action à l'encontre de l'architecte et de son assureur au titre des désordres affectant les moquettes et tissus tendus ;

Alors d'une part, qu'à supposer même que les tissus tendus puissent être considérés comme des éléments d'équipement, la garantie de bon fonctionnement ne peut s'appliquer que si les désordres qui affectent l'élément d'équipement trouvent leur cause dans un vice intrinsèque à cet élément ; que les désordres qui résultent d'une cause extérieure à l'élément d'équipement, telle que l'erreur de conception de l'architecte dans le choix de la mise en oeuvre d'un élément d'équipement incompatible avec la construction réalisée, relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en l'espèce, ainsi que le constate la Cour d'appel, la SCI Palais Napoléon invoquait la responsabilité contractuelle de droit commun de l'architecte en faisant valoir que les désordres litigieux ont une cause extérieure aux tissus eux-mêmes et résultent d'une erreur de conception de l'architecte qui a commis l'erreur d'associer des tissus tendus avec une ventilation mécanique ; qu'en énonçant que la responsabilité de Monsieur X... ne pouvait relever que de la garantie biennale de bon fonctionnement de deux ans, la Cour d'appel a violé les articles 1147 et 1792-3 du Code civil ;

Alors d'autre part, et en toute hypothèse, qu'en ne répondant pas aux conclusions de la SCI Palais Napoléon qui faisait valoir qu'à supposer même que les tissus tendus puissent être considérés comme des éléments d'équipement, il n'en demeure pas moins que la garantie de bon fonctionnement ne peut s'appliquer dès lors que les désordres litigieux ne sont pas liés à une mauvaise exécution, une mauvaise conception ou à un vice des tentures elles mêmes, mais résultent d'une cause extérieure : l'erreur de conception de l'architecte qui ne pouvait associer des tissus tendus avec une ventilation mécanique, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION 

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la SCI Palais Napoléon irrecevable en son action en réparation des désordres relatifs aux tissus tendus ;

Aux motifs que la SCI Palais Napoléon estimant que l'action en réparation des désordres affectant les tissus tendus et les moquettes ne relève ni de la garantie légale de bon fonctionnement ni de la garantie décennale écartée par l'arrêt de cette Cour du 13 avril 2006 non cassé sur ce point s'estime recevable à agir au vu du rapport d'expertise à l'encontre de l'architecte sur le fondement de la faute au stade de la conception et de l'exécution, les dommages résultant de l'association malencontreuse de tissus tendus avec la ventilation mécanique (revêtements muraux) et de l'absence et de l'insuffisance du détalonnage des portes (moquettes) et au titre de son devoir de conseil pour n'avoir pas informé des risques des désordres induits par le choix des techniques adoptées alors que depuis 10 ans, l'incompatibilité entre la VMC et les tissus tendus était connue ; que selon l'article 1792-3 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 8 juin 2005 et applicable au présent litige, les autres éléments d'équipement (que ceux visés à l'article précédent) du bâtiment font l'objet d'une garantie de bon fonctionnement d'une durée minimale de deux ans à compter de la réception de l'ouvrage ; que les moquettes et tissus tendus installés, ce qui n'est pas contesté, avant réception de l'ouvrage et parfaitement détachables de leur support sans dégradation de ce dernier, constituent des éléments d'équipement dissociables au sens de l'article 1792-3 du Code civil et sont soumis à la garantie légale de bon fonctionnement de deux ans ; que la SCI Palais Napoléon ne soutient pas en cause d'appel que les désordres affectant les tissus tendus et les moquettes consistant en la présence de tâches inesthétiques rendent l'ouvrage impropre à sa destination ; que dès lors la responsabilité de Monsieur X... ne pouvait relever que de la garantie biennale de bon fonctionnement de deux ans laquelle était expirée le jour de l'introduction de l'instance au fond, par actes des 2, 5 et 10 octobre 2000 ; que la SCI est donc irrecevable en son action à l'encontre de l'architecte et de son assureur au titre des désordres affectant les moquettes et tissus tendus ;

Alors d'une part, que les désordres qui sont apparents à la date de la réception ne relèvent pas de la garantie de bon fonctionnement mais de la responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en l'espèce, les désordres affectant les tissus tendus étaient apparents à la date de la réception et faisaient d'ailleurs l'objet de réserves ; que dès lors en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les articles 1147 et 1792-3 du Code civil ;

Alors d'autre part, et en tout état de cause, qu'en ne répondant pas aux conclusions de la SCI Palais Napoléon qui faisait valoir que les désordres litigieux qui ont été constatés avant même la réception de l'ouvrage ne peuvent relever de la garantie de bon fonctionnement, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile."