Guédiguian retrouve ses camarades
Depuis trente ans, Robert Guédiguian et sa troupe (Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan…) reviennent fréquemment à Marseille, dans le quartier de l'Estaque, histoire d'observer la marche claudicante du monde et ce qu'il reste des idéaux d'hier.
Aujourd'hui, quoi de neuf ? La première scène des « Neiges du Kilimandjaro » donnent le triste la. Des syndicalistes tirent au sort ceux qui, parmi eux, vont prendre la porte de leur usine. Michel (Darroussin) en est. Du jour au lendemain, le quinqua doit donc s'inventer une nouvelle vie avec sa femme, ses mômes, ses potes…
Bientôt, un événement jette encore un peu plus de confusion dans son existence. Michel se fait braquer chez lui par des types encagoulés qui prennent la poudre d'escampette avec portables, cartes de crédit et quelques centaines d'euros.
Le pire reste à venir. Et il vient rapidement. Celui qui a organisé le braquage est un ex de l'usine, qui ne savait plus quoi faire pour boucler ses fins de
mois.
Et le film – lointainement inspiré d'un poème de Victor Hugo (« Les Pauvres gens ») – de mettre en scène les multiples conflits (psys et politiques) de personnages qui ont toujours cru en certaines valeurs (celle de la « vraie » gauche) et qui sont contraints de les soumettre à l'épreuve du réel contemporain. Une sale gueule, le réel.
Que reste-t-il de la conscience de classe ? Quid du « vivre ensemble » et de la croyance en des lendemains meilleur ? Que faire de son idéal politique ? Sans jamais perdre de vue ses beaux personnages (admirablement interprétés, comme toujours chez Guédiguian), le cinéaste, dans « Les Neiges du Kilimandjaro », reluque l'émiettement social dans le blanc des yeux. Et, ce faisant, signe l'un de ses films les plus forts (bonne nouvelle pour le cinéma) qui est aussi l'un de ses plus tristes (mauvaise nouvelle pour l'époque).
source: rue89