La rumeur circule des semaines mais n’a pas été confirmée. Même si le Pape l’a reçu il y a quelques temps longuement en audience privée, Mgr Gerhard Ludwig Müller, évêque de Ratisbonne, n’est que l’un des candidats possibles de l’actuel Pontife comme préfet de l’importantissime congrégation pour la doctrine de la foi, car une autre hypothèse revient sur le devant de la scène, celle de la nomination d’un prélat de transition, le cardinal Angelo Amato, un Salésien de 73 ans.
Dans le cas cependant de la désignation de Mgr Müller, celui-ci serait le deuxième successeur d’un autre Bavarois, Joseph Ratzinger himself ! Agé de 64 ans, théologien d’une certaine trempe qui connaît sur le bout des doigts l’oeuvre du Péruvien Gustavo Gutierrez, Müller est un intellectuel averti. Apprécié de Benoît XVI dont il veille à la publication des « opera omnia ». Au fil des années, il s’inscrit de plus en plus dans une ligne considérée comme conservatrice. En 2009, il était le deuxième sur la liste des candidats à la Présidence du conseil pontifical pour l’unité des chrétiens, mais dut s’effacer devant le premier, Mgr Kurt Koch.
Toujours est-il que l’évêque Müiller vient de faire paraître dans l’"Osservatore Romano" (s’il vous plaît) un article récent se voulant une sorte de réhabilitation de la théologie de la libération. Que d’aucuns pourront aussi réinterpréter comme une récupération, mais il est possible en fait que les deux intentions se chevauchent ! En fait, Mgr Müller entend mettre en valeur les points positifs de la théologie de la libération. Peut-être à la demande même du Pape. Pour l’évêque de Ratisbonne, lointain successeur de Saint Albert le Grand, il ne s’agit sans doute pas d’absoudre entièrement tous les courants de la théologie de la libération mais de valoriser les points positifs. Au fond, de séparer le bon grain de l’ivraie.
Ceci dit, au Vatican même on veut redorer l’image d’un pontificat sensible aux pauvres. Certains prélats travaillent en ce sens. En particulier le nouveau préfet de la congrégation des religieux, l’archevêque brésilien Joao Braz. Ce prélat souriant de 64 ans, en fait un modéré plutôt qu’un progressiste, répète à qui veut l’entendre que la théologie de la libération n’"est pas seulement utile mais nécessaire".
Enfin, le cardinal Bertone entend lui aussi adoucir son image. De façon toute romaine et vaticanesque il veut compléter et corriger la fâcheuse impression laissée par son coup de colère, suite à un texte du Conseil pontifical « Justice et Paix » sur la crise économique, dont le contenu fut vivement critiqué dans les milieux de droite. Bertone rappella alors de manière cassante l’obligation de tous les dicastères de soumettre leur publication à son autorité de Secrétaire d’Etat, comme le voulut en son temps Paul VI, mais dans un but en quelque sorte inverse puisqu’il s’agissait de décapiter les conservateurs de la Curie. Bertone entend bien jouer les prolongations. Et veut donc éviter de donner une image unilatéralement autoritaire et conservatrice. A la Curie, beaucoup de choses sont stratégiques...