C’est sans originalité mais sans haine que je boude la St Valentin. Voilà quelque chose que je célèbre tous les jours et sans ordonnance. Après tout, pourtant, autant célébrer l’amour que la loterie à numéro, et si ça peut redonner à certains l’envie de se faire tendre, qu’ils y aillent carrément. Je passe la journée sans y penser, peut-être juste une mention au café avec mon épouse. Mais pas de remarques graveleuses, pas de commentaires amers, un 14 février froid et ensoleillé, on travaillera, on promènera le petit le long du lac, et le soir on mangera des blinis.
En dépit de ma bonne volonté, j’ai un gros retour d’acidité en lisant Libé. Les gradski debili frappent à nouveau. Ils ont décidé de parler d’amour mais comme c’est dans Libé, c’est décalé et vachement profond. Ils posent la question de la fidélité amoureuse à 11 personnes, et sur ceux-ci, 10 déclarent tromper leur partenaire et ne pas le lui avouer. Tous ensemble, ils trouvent que vraiment la fidélité n’a rien à voir avec l’amour, que leur couple c’est du solide et que c’est pas un petit coup à gauche qui va changer quoi que ce soit, enfin tant qu’on n’en parle pas. Curieusement, 2 candidats sur les 11 interrogés sont homosexuels. Pour être gentil, on dira que ce sont 11 personnes représentatives du lectorat de Libé. Aucun parmi ceux qui avouent tromper leur partenaire ne semble accorder, en dehors du seul contexte de la sexualité, une quelconque importance au concept de parole donnée. Ce qui compte, à les entendre, c’est uniquement l'assouvissement de ce besoin. L'article s'intitule courageusement: "La fidélité, une question de faux-cul", et on réalise à la fin que c'est surtout la réponse que le qualificatif concernait. Parce que quarante ans après Mai 68, on ne s'attendait pas vraiment à trouver un tel étalage d’hypocrisie et de mesquinerie lorsqu’on touche au sexe et à l’amour, et à ce désir de différencier ceux-ci, mais secrètement. Comment peut-on se vanter jusque dans les pages d’un journal d’être libéré, mais sous le pseudonyme de « Georges, 35 ans », par crainte essentiellement de se faire découvrir de sa propre femme ?
Est-on revenu à l’époque de Victoria où l’on entretenait, sans en parler et sans complexes, une femme et une maîtresse, avec comme seule amélioration que les femmes sont désormais libres de tirer elles aussi dans les coins sans craindre l’humiliation publique ? Est-ce que c’est cela, le gain de la libération sexuelle, celui de faire son petit truc dans son coin avec la seule consolation de ne plus être pénalement condamnable, mais avec en plus le poids d'une honte inavouable même à son partenaire ? Si c’est pour ça, je recommande la masturbation, bien moins risquée et onéreuse. Pour les frissons et la double vie, allez plutôt faucher des carambars au kiosque du coin. Et puis on ne sait jamais, peut-être la kiosquière est-elle jolie.