Vichy Homme annonce sur Facebook son nouveau soin hydratant. Sur la bannière en question: les avatars virtuels de vos amis voient leur teint gris magiquement illuminé. L’intention n’est légère qu’en surface, pour toute dire, elle n’est pas uniquement… cosmétique. Dans cette démarche, c’est moins l’intégration visuelle du support par l’annonceur qui frappe, que ce que cela induit au fond : Les Sims, World of Warcraft ou encore Second Life permettent de créer voire de modifier à loisir son avatar. Dans cette filiation, le cobranding entre Facebook et Vichy (Facebook est-il une marque ou un média ? Les deux, l’un parce que l’autre *) l’avatar virtuel est désormais lifté. Convergence étonnante : ce qui nous rend plus artificiel dans le monde réel nous rend plus humain dans le monde virtuel.
Surtout, vertigineux basculement en cours qui remet en question les formes et frontières de l’homo consumerus. L’enjeu pour les annonceurs est-il de toucher le consommateur, ou son avatar idéal ? L’ego et le ça, objet dual d’obsession. Le Net, media immédiat, réhabilite le surmoi. Ledit avatar est-il l’image réelle projetée et le vrai socle des besoins et des attentes ? Le marketing et la communication, naguère obnubilés par l’image inconsciente, émergent enfin de la Caverne. On passe de la réalité fantasmée au fantasme réalisé : le virtuel version 2.0 (et plus si affinités) marque la version updatée du consommateur-image, hologramme concret. Et Facebook de se muer en matrice marketing. En traversant le miroir virtuel, le Néo conso devient ce qu’il est réellement.
Schizophrénie
Milieu lucide et trouble à la fois puisque le medium Internet, selon le dernier baromètre TNS Media intelligence, suscite la défiance de la majorité des Français en matière d’informations délivrées. Délicieux paradoxe alors que ladite information est de plus en plus l’objet d’une co-construction entre institutions médiatiques et citoyens.
Autre bizarrerie : l’Internet ainsi mis à distance regroupe lui-même… la presse et ses sites officiels. Sous la pression des coûts, les rédactions Internet et papier ont, de fait, tendance à être les mêmes. Les 69 % de défiance mis en exergue porteraient donc sur les contenus non contractuels. Logique ? Pas tant que ça à l’aune de l’époque : troublante réaffirmation du désir de médiation, à l’heure de l’immédiateté et des quotidiens gratuits.
La schizophrénie de l’hyperinformation : poker menteur entre le consommateur expert et manipulateur et le citoyen circonspect. L’individu, acheteur dans les rayonnages ou citoyen dans l’isoloir, avance masqué. Un avatar de plus à gérer.
* Le glissement Europe 2 - Virgin Radio illustre une tendance mais pas celle que l'on croit : en effet la grand mouvement à l’œuvre n’est pas la mutation des médias en marques, mais bien des marques en médias (c’est-à-dire, en médiation, en lien, en relation, en communauté, en expérience partagée, promise et sanctifiée).