Le secteur éducatif ne pouvait y échapper. Impossible de rester en marge du puissant mainstream individualiste (sic), qui voit le règne du sur-mesure, du « à la carte ». Phénomène sublimé par les potentialités d’Internet, où l’individu acquiert vitesse, ubiquité et anonymat. L’initiative des créateurs du site Note2be.com permettant aux élèves d’évaluer leurs enseignants sur des critères « strictement liés à la pédagogie » (parmi lesquels la clarté, la disponibilité ou encore la motivation) marque un jalon dans la déliquescence du vertical et le développement de la société horizontale. « Prends le pouvoir » clame le site. La communauté (éducative) faisait l’individu, désormais le second régente la première. L’individu détermine ses propres items de satisfaction et use de cette grille de lecture afin d’évaluer son prestataire de services, en l’occurrence l’école.
De fait, un constat s’impose : les enseignants ont changé de profession. Telle une entreprise « switchant » son domaine d’activité pour coller à la réalité du marché. Les profs ne sont plus des dispensateurs de savoir, ils sont des fournisseurs de capacité d’adaptation, d’esprit critique, d’épanouissement, osons le mot : de liberté. « Nous avons peur d'être notés, car les critères choisis par note2be.com ne sont pas pertinents.* » avance-t-on chez les contradicteurs. La pertinence dans ce monde confus et fluctuant, vaste programme !
C’était attendu, l’affaire a quitté le simple débat pour la querelle judiciaire, appréhendée qu’elle est sous l’angle idéologique : la vision libérale centrifuge opposée à la vision républicaine, centripète. Il est pourtant possible d’observer le phénomène de manière froide, dans sa dimension politique élargie. La démarche de Note2be.com est en effet édifiante : ce à quoi nous assistons, c’est moins un choc des cultures que des structures. Le réseau fracasse la verticalité, la volatilité affronte l’institution, les particules individuelles fissurent l’entité collective. Quand la class action s’active dans les classes, c’est la « nucléocratie » (non pas au sens technologique et belliqueux mais structurel, la référence sociétale étant désormais l’individu-atome) qui se met en branle. Au service d’un idéal forcément paradoxal : « Un pour tous et tous pour moi ». Les frontons des écoles n’ont qu’à bien se tenir… *source : blog de Contrenote2be.com