Pas trop la forme ces derniers temps (pour tout vous dire, à voir certains de mes cours, je me demande ce que je fais encore en Histoire alors qu’un amoncellement de connaissances bien plus diverses me nargue à côté - avec des types qui aiment ça et qui le font sentir), mais en tout cas de quoi m’enfiler à la vitesse grand V le Ajax de Sophocle, que je découvre réellement cette année entre son Antigone (splendide) et Les Trachiniennes (moins emballant).
(Bon, pour la statue, inutile d’en faire la remarque, on notera que Sophocle ressemble à s’y méprendre à Platon, qui lui-même ressemble à Aristote, qui est apparenté à Socrate, qui a des airs d’Eschyle et j’en passe - vive les archétypes)
Toujours est-il, Ajax est une énième réinterprétation d’un des multiples évènements ayant eu lieu lors de la guerre de Troie, en l’occurence la folie qui s’est emparée d’Ajax après que les armes d’Achille soient revenues à Ulysse et non à lui, une folie qui l’a conduit à décimer les troupeaux d’animaux grecs avant de se tuer. Ce que change Sophocle, c’est qu’au lieu de se tuer sous l’emprise de sa folie, Ajax se suicide en recouvrant sa lucidité et en réalisant la destruction qu’il a semé.
Le rythme est assez lent, ce qui est normal (bien qu’à ce sujet, Antigone soit une pièce plutôt dynamique), les réflexions des personnages sont poussées assez loin autour de la responsabilité des hommes (théâtre athénien oblige, la citoyenneté est au rendez-vous) et celle des dieux, ainsi qu’envers l’idée de vengeance ou de punition.
Agamemnon y apparaît comme un roi entêté et peu compatisant, et Ulysse, à son habitude, comme la sagesse incarnée. L’ensemble est fort, et l’on comprend aisément l’influence grecque sur le théâtre ou encore la fascination qu’elle a pu exercer sur Anouilh ou Cocteau au XXème siècle.
“Je ne puis m’étonner de voir parfois un homme qui par le sang n’est rien commettre une sottise, lorsque j’entends des gens qui semblent des mieux nés tenir en discutant des propos aussi sots.”
“C’est une honte pour un homme que de souhaiter vivre longtemps, s’il ne fait que passer d’un malheur à un autre. En quoi un jour après un autre pourrait-il nous être un plaisir, quand ce jour ne fait qu’avancer ou bien retarder notre mort ? Je ne donnerais pas cher d’un homme qui ne sait que se réchauffer à de vaines espérances. Ou vivre noblement ou noblement périr, voilà la règle pour qui est d’un bon sang.”