Mots maudits, dit-on

Publié le 02 février 2008 par Lemoutondissident

"Ceux qui écrivent ont un problème avec la langue", dit un jour un écrivain connu à un collègue (que je remercie réciproquement pour m'avoir cité quelque part). Même s'il n'implique pas que tous ceux qui ont eu - et conservent - des difficultés d'élocution, d'inversion des mots ou de bégaiement, comme  Modiano,  soient des graines de Modiano, ce constat me donne une raison d'espérer. Répétitions, bafouillages, confusions verbales, j'entraîne mes désarticulations avec moi,  depuis des années, et tente de vaincre ce fameux dogme d'élève de terminale : pas de pensée cohérente sans langage cohérent. (Ou alors je n'ai de langage qu'un langage écrit.)

Récemment, je m'amusais avec un ami grec à tenter de prononcer le mot le plus bête de sa langue: "non". Je n`y suis arrivé que par inadvertance (au bout d'une heure au moins). C'est un peu pénible, quand même. Ma sympathie va à François Bayrou, malgré ses grandes oreilles.

La souris vous le dira, j'aime bien borborygmer: je me fais parfois comprendre plus vite. L'écrit est alors comme une pente de neige fraîche - crevasses ôtées à la vue.

Ces dernières années, j'ai commencé à enchaîner les confs scientifiques avec une appréhension certaine au moment de prendre la parole en anglais devant une centaine de personnes qui scrutent la moindre petite erreur de math sur vos power points. Pas tellement pour le discours lui-même, appris le plus souvent par coeur, mais plutôt pour les questions qui suivent, généralement assénées par des grands maîtres de la disciplines qui ont immanquablement de petits yeux méchants ou, au contraire, de vastes regards perdus, l'air rêveur, songeant à l'utilisation de vos résultats dans un schéma plus vaste. Leur question, à ceux-là, semble posée benoîtement.

Dans les deux cas, j'en ressors l'estomac dans les chaussettes. L'anglais (surtout parlé par des non-anglophones) est une langue de bourreau.

Ça me fait penser que le théâtre me referait le plus grand bien...

Sur ce , il est tôt, on vient de se taper une tempête de neige plus hurlante qu'un bébé pas nourri, je vais donc arrêter d'essayer de m'exprimer pour aller lire, dans ma salle de bain, mon Super Picsou Géant et les aventures de Riri, Fifi et Jean-Claude, les trois petits connards.