Bruxelles, Le 3 Janvier 2008
par Gricha Safarian
Licencié en Sciences Politiques et Relations Internationales (ULB)
Blogueur
On a peine à croire le calendrier, nous sommes bien en Janvier 2008, pas 1948. Nous sommes au 21ème siècle.
Les méfaits du tabagisme actif et passif sur la santé de l’être humain sont connus, archi-connus. Ils ne se limitent pas au cancer du poumon mais aussi celui de l’œsophage, du pharynx, du larynx, de la bouche et indirectement du pancréas, de l’estomac, du cerveau et du colon.
Sans parler de la perte du goût et de l’odeur, de l’emphysème, du vieillissement prématuré, de la perte de fertilité, des complication à la grossesse, des problème de circulation et, last but not least, du doublement du risque d’infarctus à partir de la consommation de 15 cigarettes par jour.
La cigarette c’est un mort toutes les 10 secondes dans le monde. Le plus « serial » de tous les « killers » de l’Univers.
C’est aussi une industrie sans scrupules qui s’attaque aux adolescents dès le plus jeune âge par une série de moyens marketing aussi sournois qu’efficaces. Un d’entres eux, et non des moindres, étant de financer des acteurs de cinéma pour qu’ils fument à l’écran.
Tout cela est connu en ce début Janvier 2008.
Et pourtant, dans les colonnes du journal Le Monde (1/1/08), un obscur contributeur « médecin » ( !!), Micheline Benatar, ose nous asséner avec une vigueur hallucinante les arguments les plus spécieux de l’industrie du tabac, tels que décrits dans le film « Thank you for smoking » ou encore "The Insider".
(Wikipedia links: "The Insider" - "Thank You for Smoking" )
Allant jusqu’à voir dans l’interdiction d'enfumer les lieux publics démarrée ce 1er Janvier sur le territoire français une dérive « totalitaire » !!!
Le tout agrémenté d’une sauce «appel à la convivialité » qui brouille opportunément les pistes désignant le fumeur comme une victime et le non-fumeur comme son oppresseur.
Ce qui est par ailleurs une technique d’inversion classique utilisée dans tous les discours négationnistes.
Mais ce n’est pas tout puisque dans « Libération », le même 1er Janvier, un autre obscur, Henry-Pierre Jeudy « sociologue au CNRS » va jusqu’à menacer la France de « mouvements de rébellion » des fumeurs y allant aussi de son laïus sur la suppression grandissante de la liberté dans la société conséquence d’une véritable « stratégie de l’interdit » décidée en haut lieu!!
Des arguments que l’on pourrait comprendre (mais pas admettre) s’ils venaient d’un lobbyiste chevronné de l’industrie du tabac ou d’un inculte total, c’est au choix.
Mais pas d’un médecin, pas d’un sociologue, pas dans les colonnes de journaux sérieux.
Comment en effet oser comparer, comme le fait l’étrange Docteur Benatar, l’addiction de la nicotine à la consommation de foie gras? Qui connaît un consommateur de foie gras qui a besoin de sa tranche 15 fois par jour tous les jours de sa vie adolescente et adulte ? Et existe-t-il une consommation de foie gras « passive » qui augmenterait le taux de cholestérol de votre voisin de table au restaurant pendant qu’il mange sa salade ?
Mais attendez, le plus surprenant est à venir.
Dès le 2 Janvier, une véritable campagne de presse mondiale déferle de manière coordonnée sur le cas français.
C’est ainsi que le « Washington Post », Le « Los Angeles Times », Le « Guardian » et la « BBC », reprenant pour certains l’argumentation de totalitarisme énoncée dans le Monde en viennent à parler de « la perte d’identité culturelle française » suite à la disparition de la fumée de cigarette dans les lieux publics. Sous-entendant que Sartre et Simone de Beauvoir n’auraient pas vraiment été eux-mêmes sans la cigarette.
Allez donc dire cela au fantôme de Jacques Brel et à ses collègues, George Harrison et Serge Gainsbourg….
Le fil conducteur de cette campagne de presse concertée ( ??), une protestation véhémente contre une interdiction imaginaire de la cigarette. En effet, il n’est nullement interdit de fumer, nulle part dans le monde sauf au Bhoutan.
Il est simplement désormais interdit d’imposer sa fumée de cigarette à des non fumeurs, en ce compris des enfants, ce dans les lieux publics.
Une reprise de liberté donc pour les non fumeurs qui pourront enfin respirer mieux tout en laissant aux fumeurs le loisir d’en griller une dehors.
Comment alors oser parler de la « liberté du fumeur » ? Quelle liberté ? Celle d’enfumer ses voisins dans des lieux publics ? Particulièrement quand ces lieux publics sont souvent des lieux de bouche, ou la dégustation d’un repas et d’une boisson sont malmené automatiquement par la fumée qui s’installe.
Comment oser parler de liberté tout court face à une industrie criminelle qui a 100 millions de morts sur la conscience pour le seul 20ème siècle, n’a pas hésité à mentir pendant des décennies sur les méfaits de son produit unique et n’a pas non plus hésité à financer des scientifiques, dont des médecins, pour qu’il vantent les bienfaits de la cigarette.
Une pratique de dévoiement de scientifiques dont on peux se poser la question de savoir si elle a vraiment disparu à la lecture de la presse de ces derniers jours !!
Le totalitarisme mentionné par le Docteur Benatar, le vrai totalitarisme, ce n’est pas d’interdire la cigarette dans les lieux publics, c’est de continuer envers et contre tout à promouvoir de manière perverse et indirecte la consommation de la cigarette chez des jeunes de 12 ans et plus, qui, sans s’en rendre compte, mettent le pied dans une addiction dont la plupart ne sortiront que morts étouffés des décennies de tabagisme plus tard. Au seul bénéfice d'une industrie multimilliardaire.
Le totalitarisme, c’est aussi la campagne internet visant à faire croire aux ados que la fumée de la chicha est moins nocive que celle de la cigarette, alors qu’une étude de l’OMS nous dit qu’une heure de Chicha équivaut à la consommation de 5 à 10 paquets de cigarettes….
Le totalitarisme c’est d’essayer de transformer le cancer du poumon en un symbole de la liberté.
Le totalitarisme, il se trouve parfois la où on ne s’attend pas à le trouver, dans un paquet de clopes….
Curieux syndrome de Stockholm qui touche la plupart des fumeurs, prêts à défendre bec et ongle une industrie qui ne mérite en aucune manière la moindre considération surtout quand on sait quelles sont ses méthodes de marketing et de communication, ses moyens financiers illimités et son manque de scrupule total vis-à-vis de la santé des jeunes.