« Siempre toca llegar… »
Vous ne connaissez pas la Mano Negra ? Rassurez-vous, moi non plus. Enfin, je triche un peu (vous aussi je pense) car presque tout le monde connaît ce groupe mythique au moins de nom, voire quelques unes de leurs chansons, leurs tubes qui passent encore à la radio ou à la télé.
Pour ceux qui, réellement, ne connaissent pas, car trop jeunes et surtout beaucoup trop souvent sur Internet, alors vous pouvez ne connaître que Manu Chao. L’ancien chanter du groupe français qui a sévi dans les années 80, en chantant déjà en français, anglais ou espagnol, a non seulement gardé la recette qui a fait de Mano Negro l’un des groupes « latino » les plus célèbres aussi bien en France et en Espagne qu’en Amérique latine. Un comble évidemment, pour des Français.
Manu Chao, cependant, a d’abord des origines qui s’ajoutent à ses racines françaises : la Galice, en Espagne. Et là, tout commence à s’expliquer.
Son premier album, Clandestino, fut un succès immense en 1998, faisant du bruit partout où il était, plus ou moins, attendu, mais aussi bien au-delà : des Etats-Unis au reste de l’Europe.
Même succès pour le deuxième, Proxima Estación : Esperanza. Pour le troisième, pas de jaloux : idem !
Il est vrai que musicalement, et c’est le premier reproche fait à Manu Chao par ses détracteurs, mais aussi certains de ses fans, les mélodies sont très souvent proches. Parfois, au paroxysme de son univers immédiatement reconnaissable entre tous, il n’hésite carrément pas à reprendre une même musique en y posant de nouvelles paroles. Ou, inversement, à réutiliser des paroles sur une nouvelle composition. Que ce soit les siennes ou celles de son ancien groupe culte.
Une recette si proche du jam ou de live sessions complètement désinhibés, que Manu Chao l’a lui-même déjà avoué : il serait incapable de réenregistrer ses albums, tellement le moment compte, c’est-à-dire qu’il enregistre effectivement dans des conditions quasi-identiques à celles d’un concert.
Ici, on comprendra alors que l’idéal est de le voir sur scène, et que les enregistrements doivent n’être que secondaires. Certes. Mais aussi : erreur !
Pour ne prendre qu’un exemple, celui de son dernier album studio en date, La Radiolina (sorti en 2007), vous y retrouverez seize titres d’abord similaires les uns les autres mais qui, au final, ont tous leur propre identité, leur propres émotions. Que cela vienne de la musique, latine à souhait, ou les paroles à la fois simples mais toujours explicites car elles traitent de thèmes sociaux ou politiques. En effet, entre le dernier album de la Mano Negra et Clandestino, Manu a parcouru une grande partie de l’Amérique latine, pour ne pas dire toute, et il est impossible de ne pas entendre cette expérience dans ses revendications.
Les cinq titres bonus semblent autant superflus qu’indispensables. Comme un concert parfait, avec un, puis deux rappels.
Il est grand temps, je me répète, de vous mettre à d’autres langues que le français. D’abord, l’anglais bien sûr : vous le saviez déjà, mais où en êtes-vous ? Ensuite, l’espagnol : idem, car ça fait un moment que la culture hispanique empiète sur celle des Anglo-saxons, et tant mieux, car la mixité, ça fait du bien. Le Portugais bien entendu (l’importance du Brésil sur le continent américain et dans le monde, et son influence incommensurable sur la musique depuis toujours, ou le portugais plus intime du fado lusitanien). L’Italien aussi, même si plus discrètement. (sur le deuxième album, l’arabe également, et quelques mots de russe).
Un album de Manu Chao, c’est tout ça : de la musique qui n’est révolutionnaire dans le fond (les paroles, vous dis-je !) bien que les compos ne laissent jamais rien au hasard et sont toujours parfaitement trouvées et interprétées.
Les étiquettes ne sont pas forcément bonnes à utiliser, je ne les proscris pas pour autant et vais mêmes en utiliser une, car s’il fallait classer Manu Chao, ce serait bel et bien en tant que « chanteur du monde ».
« Y ahora qué ? »
(in heepro.wordpress.com, le 05/01/2012)