Quand l’État s’acoquine aux « puissances de l’argent » véreuses, son emprise sur la société devient conséquente. C’est le début de l’inflation et du vice.
Par Aurélien Biteau, depuis Rouen.
Le libéralisme, et avec lui la liberté, est accusé par ses détracteurs d’être favorable aux « puissances de l’argent », financières ou industrielles, au dépens du « peuple », à savoir les travailleurs et les consommateurs. Le libéralisme, en proposant de retirer les contraintes que fait peser l’État sur la libre entreprise et la liberté contractuelle, confierait le pouvoir réel aux « renards » de la finance et aux autres oligopoles économiques, dès lors libres de dévorer les « poules du poulailler ». Rien n’est moins faux, la preuve.Le libéral serait-il le suppôt des oligopoles économiques ? Nombreuses sont les personnes persuadées que libérer les marchés de la bribe étatique reviendrait à confier le pouvoir réel aux « marchés » et aux oligopoles économiques. Cette conviction est rarement accompagnée d’une argumentation sérieuse. Parfois des exemples tirés des actualités ou des situations historiques sont donnés comme devant servir de preuves. La crise commencée en 2008 a d’ailleurs favorisé la prolifération de cette « théorie » : que la liberté « économique » permet aux acteurs du marché, et en particulier ceux du secteur financier et les plus riches producteurs, de faire absolument n’importe quoi contre les intérêts des acteurs sans puissance que seraient les travailleurs et les consommateurs.
À vrai dire, il est difficile d’argumenter sérieusement cette position. Pour cause, la liberté défendue par les libéraux est limitée par les droits d’autrui : dans ce cadre un individu ne saurait avoir plus de pouvoir que ce que veulent bien lui accorder les autres individus, par des contrats ou le libre consentement. Or c’est bien de confier un pouvoir non consenti aux « puissances de l’argent » dont sont accusés, à tort, les libéraux.
Et peu importe pour tous les partisans de cette théorie qui croient voir dans la crise de 2008 sa rigoureuse démonstration que rien dans la réalité n’a correspondu à une situation dans laquelle les États auraient abandonné l’économie aux acteurs privés. Peu leur importe que le nombre d’institutions étatiques et de textes de loi chargés de réglementer, observer, contrôler et punir les acteurs privés n’ait jamais été aussi conséquent que ces dernières années dans toute l’histoire de l’Humanité. Peu importe pour eux que les économistes qui ont le vent en poupe depuis des décennies sont les keynésiens, et que les théories de ceux-ci sont strictement appliquées sans cesse, sans la moindre remise en cause par des politiciens trop heureux d’y trouver les outils de la gouvernance – pour la gouvernance et au profit seul de la gouvernance.
Et pourtant cette réalité, il va bien falloir la regarder droit dans les yeux un jour ou l’autre. Sinon la catastrophe économique qui se prépare en Occident risque bien de durer et de déboucher sur une catastrophe d’un autre ordre, humanitaire cette fois-ci, quand toutes les idéologies anti-libérales hypocrites serviront, là encore, d’alibi à une gouvernance qui risque de virer au régime bananier.
Si les yeux sont aveugles, il faut garder espoir que la raison ne l’est pas. Elle est l’électrochoc qui manque à trop d’Européens et d’Américains.
Adressons-nous donc à elle. Messieurs les détracteurs du libéralisme, usez en en abondance. Et commencez par comprendre ceci : les « puissances de l’argent » ne veulent pas de la liberté, elles veulent l’État comme allié. La liberté ne sert pas les intérêts des véreux. Dans la liberté, on paye toujours les conséquences de ses vices. Mais l’État, parce qu’il est capable d’institutionnaliser et de légaliser le vice, est le plus bel outil mis à la disposition des êtres véreux, politiciens comme « puissances de l’argent ».
Vous le savez par ailleurs très bien, et vous feignez de l’ignorer. Pensez à toutes ces tyrannies que le XXè siècle a produit dans l’amour du socialisme, pensez à toutes ces comédies dramatiques que sont ces dictatures abracadabrantes que le Tiers-Monde a dû subir suite à la décolonisation, et que certaines régions du monde continuent de subir. Qu’y voyons-nous ? Des bandits et des tortionnaires, des pilleurs et des assassins, qui ont de leur côté toute la puissance de l’État. Les bandits y jugent leurs victimes, dans la plus parfaite comédie. Être vertueux, c’est risquer la condamnation. Être un pourri, un être véreux, être une ordure, c’est plus encore que se protéger, c’est être récompensé. L’inflation au vice y est grande : si votre voisin cède au vice, c’est votre vie que vous risquez à continuer de pratiquer la vertu.
L’Occident n’en est pas encore à ce haut niveau de comédie. Mais ça lui pend au nez si ses habitants ne prennent pas rapidement conscience de ce qu’il est en train de s’y passer. À vrai dire, la pitrerie s’est déjà bien répandue dans la vie politique et intellectuelle de bien des pays, France en premier.
Comprenez donc que les êtres véreux de la finance et de l’industrie n’ont absolument aucun intérêt à défendre la liberté. Le pouvoir politique est le meilleur moyen pour eux de réaliser leurs objectifs. Et pour cause, l’État fait la loi (institue le vice), fait la police (fait le bandit), et rend la justice (juge sa victime). Bien sûr, un état de droit peut très bien exister, et tout État n’est pas nécessairement véreux. Mais un État qui n’a aucune ingérence dans l’économie est nécessairement un poison pour les êtres véreux de la finance et de l’industrie.
En effet, la liberté implique un mécanisme économique très bête, mais qui dérange gravement ces derniers. Dans une économie libre, les entreprises n’ont qu’un seul moyen de faire des profits sans virer dans le banditisme pur et dur : satisfaire la demande sur le marché. Si elles échouent, la faillite leur tend les bras.
L’État, qui fait la loi, la police et la justice, en voilà un outil idéal pour contourner les difficultés imposées par le marché (c’est-à-dire les consommateurs et les producteurs concurrents) !
Chers anti-libéraux, vous souhaitez par dessus tout réguler le marché par des réglementations. Mais c’est précisément ce que veulent les « puissances de l’argent » ! Elles n’attendent que ça ! Le marché est pour elles un obstacle, une contrariété, qui impose la probité, l’exercice de la vertu et la soumission aux consommateurs. Elles soutiendront toujours les politiciens qui se proposent de réaliser vos programmes. Détruire la concurrence, soumettre les consommateurs à leurs décisions, recevoir des subventions et profiter de taux artificiellement réduits, c’est-à-dire profiter de revenus non issus du marché, voilà tous leurs désirs. Et ces désirs, ce sont précisément les vôtres, chers anti-libéraux. Car mettre fin au libre marché, c’est nécessairement mettre fin à la concurrence (que vous haïssez aveuglément), à la domination des consommateurs et aux prix.
Regardons l’actualité. Les banques centrales qui tiennent leur privilège de l’État abreuvent d’argent frais les banques, au nom de la nécessaire régulation du marché. Les États empêchent ces établissements de faire faillite, et leur permet donc de prendre tous les risques les plus fous, au nom de la régulation du marché. Et vous, les anti-libéraux, vous osez dire que cette socialisation des pertes, c’est la faute au libéralisme et au libre marché ? Mais ou vous marchez sur la tête, ou vous êtes de ces bandits qui n’attendent qu’une chose, que la gouvernance vire au régime bananier. Voyez ces grandes industries qui s’acoquinent à l’État, réclament des subventions et sont même traitées par les politiciens comme le fleuron de l’économie nationale, alors qu’elles sont les dignes représentants d’un « crony capitalism » véreux qui asphyxie l’économie !
Tout cela, les anti-libéraux l’ont nommé « néolibéralisme » avec un culot effronté. Nous, libéraux, n’avons rien à voir avec ces créations. Ceci est votre œuvre toute entière, Messieurs les détracteurs du libéralisme. Donnez lui son nom réel : « néo-socialisme ». Vous n’avez pour vous ni la logique, ni l’honnêteté.
L’État est, et a toujours été le meilleur ami des oligopoles économiques et de tous les entrepreneurs et producteurs véreux que la probité du marché gênent dans leurs activités criminelles. Le marché, lui, a toujours été leur pire ennemi, car le marché a pour corollaire le droit le plus strict.
On pourra s’en faire une meilleure idée encore en lisant la presse économique française. Les interviews d’experts économiques des établissements financiers et industriels y sont largement orientés vers le keynésianisme, vers la demande d’une régulation des marchés par l’État. Vous n’y trouverez pas, ou très peu, de discours libéraux et assumer comme tel. Il n’y a qu’une cause à cela : ces établissements comptent bien contourner la dure, mais juste loi du marché pour leurs profits. Et aucun outil autre que l’État ne convient à cette tâche.
Cet énorme détournement des ressources vitales économiques des pays par l’État vers les « puissances de l’argent » est déjà suffisamment inquiétant en soi. Mais à long terme, ce ne sont pas celles-ci qui sont les plus dangereuses dans cette pratique. C’est bien l’État, ses politiciens et ses administrations qui s’annoncent comme le grand danger à venir, et pas seulement sur le plan économique.
Qu’on repense encore une fois à toutes les tyrannies évoquées plus haut, où la tragi-comédie fait office de politique et de justice. Il est possible que de tels régimes soient l’avenir de l’Occident. Quand l’État s’acoquine aux « puissances de l’argent » véreuses, son emprise sur la société devient conséquente. C’est le début de l’inflation au vice évoqué plus haut. Les politiciens n’attendent que ça, peut-être avec de bonnes intentions au départ. Pensez encore à ces tyrans africains ou sud-américains illuminés, cinglés, réellement persuadés d’être garants d’un quelconque ordre ou d’une quelconque vertu quand sous leur protection des masses de pillards et de bandits se meuvent, sous couvert d’une loi illisible et d’administrations aussi dociles que prêtes à prendre des initiatives dans le crime.
Qu’est-ce qui sépare encore absolument nos régimes occidentaux des régimes bananiers ? Ne sommes nous pas déjà sur la « route de la servitude » ? N’y a-t-il pas qu’une différence, certes très conséquente aujourd’hui, de degrés ? Les institutions ne sont-elles pas déjà suffisamment viciées pour qu’elles n’aient plus qu’à exprimer leur potentiel malfaisant ? Les discours ne reposent-ils pas déjà sur les ressorts viciés de la tyrannie ?
La situation actuelle ne ressemble-t-elle pas déjà trop à celle décrite par Ayn Rand dans son roman Atlas Shrugged ? Ne peut-on craindre que la réalité évolue comme dans son livre, sous les applaudissements honteux des masses d’idiots utiles ?
Quoi qu’il en soit, il est une chose absolument évidente : l’État seul est le garant de la pratique du vice sans responsabilité. Il est l’allié des « puissances de l’argent » véreuses. Et vous, acharnés anti-libéraux, vous êtes les idiots utiles que l’Histoire, je l’espère, finira par blâmer.