Le 1er janvier, donc, je suis retourné au restaurant le Colombier où je m'étais régalé en avril dernier. Je n'aime pas spécialement aller dans un resto tout seul, mais là, c'est pas vraiment pareil. D'abord, je connais bien le chef et son équipe. Ensuite je peux amener des bouteilles choisies en fonction du menu envoyé par mail la veille au soir. Enfin, je peux manger dans l'arrière-cuisine où je ne dérange personne avec mes bouteilles un peu partout, mes verres multiples et mon crachoir ;o) Et puis, cela permet d'échanger avec le personnel, de leur faire sentir et déguster les vins. Difficilement imaginable en salle...
J'ai échangé avec Laurent (le chef) sur ce qui pourrait le mieux l'accompagner. Nous sommes partis sur un foie gras-mi-cuit et des Saint-Jacques aux noisettes.
Le foie gras avait une texture moelleuse/fondante assez impressionnante, due à une cuisson basse-température. Mais cela avait tendance à le desservir dans sa "confrontation" avec le champagne, assez puissant. Une texture "classique", plus ferme aurait permis de mieux lui répondre. Là, il y avait plutôt intérêt à espacer les prises entre l'un et l'autre afin de les apprécier au mieux. Un peu un "non-mariage", quoi... Il n'empêche que les deux étaient extras. Le foie gras était accompagné d'un confit de potimarron à l'orange tout ce qu'il y a d'intéressant, mais ne résolvant pas particulièrement mon problème d'alliance....
Il n'y a pas du tout le même souci avec le plat suivant : que ce soit les Saint-Jacques, parfaitement cuites, la mousseline de topinambour, terrienne à souhait ou l'émulsion à la noisette grillée, tout concordait pour un mariage parfait assez jubilatoire. Je ne sais pas qui du champagne ou de moi était le plus heureux ;o)
Avec le bouillon de Saint-jacques aux herbes et zeste de combava, on est dans l'accord d'anthologie, dans un esprit Ying/Yang. D'un côté le vin frais et légèrement sucré, de l'autre le bouillon chaud et salé. Mais avec l'étrange sensation de déguster les deux faces d'une même médaille (de la race qui se mange, comme celles en chocolat...). Vraiment une expérience troublante que je tenterai de reproduire à la maison pour faire frissonner mes invités de bonheur...
Dans le menu envoyé par Laurent, il y avait un bar poêlé, croûte de châtaigne, sauce à l'anis sauvage. J'ai recherché dans ma cave le vin qui irait le mieux avec celui-ci. J'ai d'abord tenté un Clos des Papes Blanc 2008. Je l'ai ouvert et dégusté vers 9h30. J'ai trouvé qu'il était vraiment trop puissant pour bien s'accorder avec le plat. J'ai finalement craqué pour un Palette blanc 2008 du château Simone.
J'avais peur qu'il soit trop boisé. En fait, pas du tout : l'élevage ne se sentait pas du tout. Le nez était sur la sauge, les herbes sauvages et l'agrume confit. La bouche, mûre et dense, était d'une fraîcheur éclatante. S'il était un peu austère bu seul, il s'est vraiment lâché avec le bar, gagnant en ampleur, générosité et longueur. Assurément un vin plus adapté à la gastronomie qu'à la pure dégustation.
Le plat suivant a été fait sur ma demande, car sur la carte, les accompagnements du filet de boeuf ne convenaient pas vraiment au vin que je tenais à amener. Laurent m'a proposé des champignons japonais (shimeji) au goût de pleurote et à la texture légèrement craquante, et un fond cuisson de ris de veau parfumé à la truffe (une petite merveille).
Du coup, le Léoville Poyferré 2001 était fier comme un (clos du) Pape. A l'ouverture, il s'était montré un peu austère. Un carafage de 4 heures l'a profondément transformé. Son nez est devenu très expressif, sur un cassis d'une grande pureté, des notes de havane et de cèdre, comme si vous aviez le nez sur une boîte à cigares. La bouche est ample, puissante, d'une belle concentration, avec des tannins bien fondus et de la fraîcheur à revendre. Un vin qui commence tout juste à entrer dans sa phase de maturité, et qui pourra y rester sans problème 20 ans de plus. L'accord avec le plat est superbe, rendant le vin plus riche et sensuel.
Pour le choix des fromages, j'ai essayé de trouver des accords avec les vins précédents. Le Brillat Savarin avec le champagne, un fromage à la sauge avec le Simone, un vieux gouda avec le Riesling, du Saint-Nectaire avec le Saint-Julien ... et du vieux comté parce que c'est trop bon :o)
J'attendais impatiemment la tarte au citron meringuée, car je pensais que l'accord avec le vin serait d'anthologie. Et il le fut. Et encore plus avec la complicité du zeste frais de combava. Si la tarte était bien acidulée, la glace apportait de la fraîcheur, le tout dans une gamme aromatique proche de celle du Riesling, marquée par le citron confit. Un grand moment !
Le moment du café est parfois un peu triste dans un restaurant, car il signe la fin du "festival gustatif". Ici, ce ne fut pas le cas, car ce fut un moment de partage avec le personnel, qui a pu s'asseoir, discuter, déguster. Du coup, je suis parti à presque 19h, sans avoir vu le temps passer...
La route du retour ne fut pas des plus confortables (nuit, pluie battante, phares en contre-sens), mais vu que j'étais sur mon petit nuage, cela n'a pas suffi à altérer ma bonne humeur. Un bon début d'année.
Merci à toute l'équipe pour son formidable accueil !
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