La première œuvre qu’on voit en entrant dans la salle du Louvre confiée à J.M.G. Le Clézio, c’est une toile, Le Serment des Ancêtres, abîmée par le tremblement de terre qui a secoué Haïti il y a quelques mois. Dans ce musée, aujourd’hui, cette toile est lourde de significations : elle parle de serment liant des êtres humains noir et mulâtre, et qui fixe le point de rupture entre Saint-Domingue et la France. Elle est marquée dans sa texture même de cicatrices, qui montrent la souffrance certes, mais aussi la résistance. Un texte raconte aussi sa clandestinité, ses voyages et que sa restauration sera poursuivie après cette exposition. La vie continue. Pas seulement comme un fleuve qui coulerait sans obstacle. La vie insiste avec obstination, jusque dans le musée. « La révolution haïtienne n’est pas achevée, elle se continue depuis plus de deux cents ans », écrit dans l’exposition Le Clézio.
Et c’est essentiellement ce qui me reste de cette visite : les toiles de Préfète Duffaut, de Louisiane Saint-Fleurant, d’Hector Hyppolite et d’autres, où me saisit une forme de magie, une représentation des loas, des esprits (comme j’en ai vu dans des expositions à la Halle Saint-Pierre). Hervé Télémaque, né en Haïti, est aussi présent dans cette partie (importante) de la salle, et notamment avec un tableau intitulé Nouvelle France, présenté sous une œuvre de Basquiat. Je regarde toutes ces œuvres sans me presser, parce qu’elles me font du bien, je ne saurais dire exactement pourquoi. C’est peut-être, du moins les choix de Le Clézio m’y font penser, parce que l’art est ici près du peuple, comme le sont les ex-voto mexicains présentés un peu plus loin ou les nattes du Vanuatu. Ce n’est ni l’exotisme, ni l’ésotérisme qui m’y séduisent, mais la main de l’homme ou de la femme qu’on y discerne au travail.