L'idée d'une TVA sociale avait fait du bruit dans le Landerneau politique en 2007, avant d'être très vite abandonnée suite à son effet supposé sur les résultats des élections législatives. Aujourd'hui, elle revient en force avec cette annonce du Président de la République lors de ses voeux pour 2012 : "le financement de la protection sociale ne peut plus reposer principalement sur le travail, si facilement délocalisable. Il faut alléger la pression sur le travail et faire contribuer financièrement les importations qui font concurrence à nos produits avec de la main-d'oeuvre à bon marché". Parée désormais de toutes les vertus, la TVA sociale serait-elle LA réponse efficace à la perte de compétitivité des entreprises françaises ? Rien n'est moins sûr comme nous allons le voir et comme je l'avais écrit à l'entrée TVA sociale de mon dictionnaire révolté d'économie...
De quoi s'agit-il ?
La TVA sociale consiste à basculer sur la TVA une partie des cotisations sociales patronales, de sorte que la TVA augmenterait et le coût du travail baisserait. Ce mécanisme, qui s'apparente juste à un autre mode de financement de la Sécurité sociale, ne change a priori rien pour les finances publiques. Mais tout l'intérêt de ce dispositif résiderait théoriquement dans le gain de compétitivité que pourrait en tirer les entreprises françaises : en effet, le prix hors taxe (HT) des produits fabriqués en France baisserait à la faveur de la diminution des charges patronales, tandis que les produits venant de l'étranger subiraient la hausse de la TVA sans bénéficier de la baisse des cotisations sociales.
En d'autres termes, les entreprises françaises vendraient leurs produits en France au même prix, puisque la hausse de TVA pourrait compenser la baisse des cotisations sociales, tandis que les produits importés se renchériraient . D'où l'appellation politique de TVA anti-délocalisation, capable de donner un avantage compétitif aux entreprises présentes sur le territoire français. Et les politiques de nous rappeler que c'est précisément ce qu'avait fait l'Allemagne en 2007, en augmentant de 3 points son taux de TVA en contrepartie d'une baisse promise des cotisations sociales.
Une arme anti-délocalisation ?
Qui peut encore raisonnablement penser que le coût du travail en France pourra un jour s'aligner sur celui de la Chine ? Ce dont les entreprises françaises ont besoin est surtout d'améliorer la compétitivité hors prix, et sur ce point une TVA sociale ne peut que jouer un rôle négatif sur les entreprises françaises qui risquent de se contenter de jouer sur la compétitivité prix.
La TVA sociale permettra-t-elle de résorber la balance commerciale ?
Le rôle joué par les préférences individuelles est dans ce cas prépondérant : si les Français veulent un produit importé, ils l'achèteront parce que la marque leur plaît, parce que la couleur est plus belle, parce que le design est grandiose, parce que c'est un bijou de technologie, etc. sans que la question du prix soit le critère décisif ! Ce n'est que sur certains produits, tout au plus, que l'on peut s'attendre à une baisse des importations. Cela dépend donc de ce qu'en économie on appelle l'élasticité-prix de la demande de produits importés.
Au final, l'effet de la TVA sociale ne se pas forcément très net macroéconomiquement...mais peut permettre de gagner des parts de marché au détriment de nos voisins européens, à l’image du jeu non coopératif (et totalement suicidaire pour la zone euro) pratiqué par l‘Allemagne et dont j'ai souvent parlé sur ce blog.
Enfin, il serait bon de se souvenir que nous sommes dans un système de changes flottants, ce qui implique que les effets positifs attendus d’une TVA sociale peuvent
être très rapidement annulés par une simple fluctuation défavorable des taux de change : ainsi si l’euro s’apprécie face au dollar, les exportations françaises vers les États-Unis se
renchériront, annulant l’avantage compétitif acquis grâce à la TVA sociale ! Tout ça pour ça pourrait-on être tenté de conclure...
Si la TVA augmente, les prix augmenteront-ils ?
Sur ce point aussi, rien n'est évident. Pour que le mécanisme économique de la TVA sociale fonctionne (basculer une partie des cotisations sociales patronales sur la TVA), il faut que les entreprises françaises répercutent la baisse des cotisations sociales sur leurs prix hors taxes. Or, sur ce point, la baisse de TVA dans la restauration a surtout prouvé que l'État était disposé à faire des cadeaux fiscaux aux corporations, puisque cela ne s'est traduit ni par les créations d'emplois espérés, ni par des baisses substantielles de prix sur la carte !
Si certaines entreprises décident en ces temps de crise de reconstituer leurs marges plutôt que de baisser leurs prix, le résultat sera inévitablement de l'inflation et une baisse du pouvoir d'achat, déjà bien malmené, ce qui aurait un impact non négligeable sur la croissance qui est tirée en France par la consommation ! Faut-il aussi rappeler que la TVA étant une taxe payée par tous les consommateurs au même taux, toute hausse touchera davantage les ménages les plus modestes qui dépensent une plus grande partie de leur revenu que les riches ? Peut-être inventera-t-on alors un bouclier fiscal pour les gens modestes...
En définitive, la TVA sociale (qu'elle s'appelle TVA travail, TVA anti-délocalisation, TVA compétitivité ou TVA superriendutout) n'est qu'une annonce politique faite par des politiques à court d'idées dans la lutte contre la crise et le chômage ! Quant à ceux qui seraient tentés de croire que le dispositif a donné satisfaction en Allemagne, ce document de Natixis montre que "la TVA sociale de 2007 a plus servi à rembourser la dette qu’à faire baisser les charges sociales. La baisse des coûts du travail hors salaire provient moins de celle des cotisations que de l’abandon pur et simple du modèle social allemand avec le développement de contrats de travail précaire cautionnés par l’Etat". Si même une banque le dit...
N.B : l'image de ce billet provient du site EcoInter View