L’utilisation de biocarburants semblait, au départ, une idée bénéfique pour diminuer la pollution. Le rêve écologique tourne au cauchemar, un désastre pire que le pétrole en émissions de gaz à effet de serre (GES) et en destruction de milieux naturels. Et si la solution se trouvait plutôt sous l’eau?
En se substituant au pétrole requis dans les transports, les biocarburants devaient, en principe, diminuer les GES. On s’est vite rendu compte que la production d’éthanol à base de maïs requérait presque autant d’énergie qu’elle n’en produisait. Il s’agit en plus d’une monoculture nocive pour les sols. On la soupçonne aussi d’avoir fait augmenter le prix du panier d’épicerie. Même l’éthanol à canne à sucre du Brésil a son revers environnemental : sa culture engendre de la déforestation en Amazonie, l’écosystème le plus riche du monde en termes de biodiversité.
C’est aussi ce qui se passe en Indonésie avec l’huile de palme, mais à la puissance 10. Les Indonésiens (ici) rasent les forêts et assèchent les tourbières pour planter des palmiers, ce qui libère des quantités hallucinantes de GES. Le plus grand archipel terrestre est ainsi devenu le troisième émetteur mondial de CO2! Sa biodiversité, l’une des plus riches à l’échelle planétaire, s’envole en fumée. Quand on parlait de catastrophe…
La situation illustre par l’absurde le paradoxe du désir effréné de consommation verte de l’Occident. On tente de choisir le moindre de deux maux plutôt que d’adopter des habitudes plus respectueuses de l’environnement.
Conséquence logique de cet échec, les Pays-Bas ont annoncé, le mois dernier, la fin des subventions pour l’importation de l’huile de palme. En fait, depuis un an, plusieurs pays comme l’Australie, la France, l’Angleterre et l’Allemagne ont renoncé ou révisé leurs incitatifs financiers destinés aux fermiers, aux producteurs et aux distributeurs. Le Québec a, lui, décidé de larguer l’éthanol à base de maïs au profit de l’éthanol cellulosique (produit à partir de rebuts végétaux).
Un rapport de la Chambre des communes britannique, il y a deux semaines, a presque prononcé le coup de grâce : «Le soutien aux biocarburants a été prématuré au regard des risques environnementaux importants associés aux technologies actuelles.»
Mais ne prononcez pas la mort des biocarburants végétaux trop vite : la crise aura au moins l’avantage de stimuler la recherche. L’Arizona State University a signé un important partenariat avec la pétrolière BP pour le développement d’une bactérie renouvelable qui accélère la photosynthèse des plants. Son utilisation éliminerait les procédés longs et coûteux de culture, en plus de se développer dans un milieu contrôlé et alimenté par l’énergie solaire. Autre avantage, la bactérie se nourrit de CO2 pour sa croissance.
En attendant, la solution la plus prometteuse semble être la production de biocarburants à partir d’algues. La Sunflower Electric Power Cooperative, un exemple parmi d’autres, expérimente la chose à son usine du Kansas. Les algues ont une croissance fulgurante et regorgent des féculents et huiles nécessaires aux biocarburants. Leur aquaculture serait aussi moins nocive sur l’environnement.
Selon l’Institut de recherche de la Kansas State University, on peut produire annuellement 200 litres d’huile à partir du soya sur l’équivalent d’un terrain de football. Avec des algues, on fabrique plus de 30 000 litres et pas besoin d’un sol cultivable. Avantage non négligeable, l’algue bouffe du CO2 et autres gaz pour sa croissance.
B. Gregory Mitchell, un biologiste de la University of California, déclarait au New York Times qu’avec l’équivalent de 15 millions de terrains de football, les États-Unis pourraient arrêter d’importer du pétrole et devenir autosuffisants sur le plan énergétique. (Ce qui pourrait porter un dur coup à l’exploitation des sables bitumineux de l’Alberta).
Au vu du fiasco des biocarburants végétaux, on peut craindre que l’utilisation des algues ne s’apparente à un mirage. Mais si elle remplit ses promesses, il y aura un bonus à la clé : le Québec pourra rentabiliser ses algues bleues…
---Source : Le Soleil
Pour en savoir plus sur : « Biocarburant, la grosse arnaque », voir ici le dossier suivi dans Cos-Maux-Polis.