Le budget du Pentagone : 2 milliards de dollars par jour.
Il est acquis, au plan politique s’entend, que le budget du Pentagone va diminuer dans des proportions sensibles, de l’ordre de 10%. Encore convient-il de relativiser cette érosion, qui plus est en tenant compte de récents succès à l’exportation de grande importance. Aussi n’est-il pas fondé de prédire le pire comme le font les principaux acteurs du complexe militaro-industriel américain.
Le budget américain de la Défense 2012, en recul de 43 milliards de dollars, se monte à 662 milliards, dont 115 milliards pour les opérations extérieures. Au titre des commandes de matériels, seuls des programmes mineurs sont sur la sellette et tout porte à croire qu’il y aura consensus pour protéger le Lockheed Martin F-35 Lightning II, alias Joint Strike Fighter, promu au rôle d’indispensable clef de voûte du système avec 2.443 exemplaires programmés, hors exportations.
Ces dernières viennent précisément de faire un bond en avant important avec la décision du Japon d’acheter 42 F-35, consolidant ainsi le caractère mondial de cette opération d’envergure exceptionnelle. La décision japonaise est d’ailleurs étonnante, tout au moins le choix du moment où elle a été confirmée, compte tenu des multiples difficultés qui affectent cet avion de combat de nouvelle génération. De plus, l’option F-35 risque fort de condamner une fois pour toutes les ambitions de l’industrie aéronautique japonaise en matière d’avions de combat, cela alors que viennent de se terminer les livraisons de F-2 sous maîtrise d’œuvre Mitsubishi. D’où de sérieuses tensions et l’expression d’un vif mécontentement des principaux industriels nippons concernés, relégués au rôle de sous-traitants, ce qu’ils resteront malgré l’emploi généralisé du terme «partenaire».
Lesdits partenaires du F-35, à commencer par le Royaume-Uni et l’Italie, outre le fait qu’ils ont tourné le dos à l’Europe, font preuve d’une grande audace. En effet, tous les calculs économiques qui ont conduit au lancement multinational du F-35 reposent sur l’ampleur des besoins américains. Mais ces chiffres seront-ils respectés ? Des voix s’élèvent, ces jours-ci, pour rappeler que des programmes jugés prioritaires dès leur gestation, n’ont pas été menés à terme. A commencer par le Boeing F-22 Raptor, dont 381 unités avaient été prévues (et beaucoup plus à l’origine) et dont le 187e et dernier exemplaire vient de sortir d’usine. Autre exemple qui a marqué les esprits, le bombardier stratégique B-2, finalement limité à une vingtaine d’exemplaires alors que les budgets initiaux en prévoyaient 132.
C’est dans ce contexte qu’il convient de replacer la signature, attendue de longue date, d’un contrat de 29,4 milliards de dollars confiés à Boeing par l’Arabie saoudite. Il porte sur la livraison de 84 F-15SA et la modernisation de 70 F-15S (notre illustration), une opération de grande envergure que vient d’autoriser le Congrès. Ce pactole est tout autant géopolitique qu’industriel dans la mesure où il constitue un véritable acte de foi renforçant les liens entre Riyad et Washington.
L’impact économique de cette opération est mis en évidence grâce à un art consommé de la communication, avec pour résultat des propos emphatiques de circonstance mais aussi des chiffres qui ne peuvent être que très exagérés. Ainsi, il est question de 600 fournisseurs, dans 44 Etats, qui vont bénéficier des effets bénéfiques de la commande saoudienne. Mais il est permis de douter des conséquences bénéfiques sur l’emploi qui sont citées, 50.000 personnes environ devant assurer la production ou la rénovation de ces F-15. Mais, de toute évidence, il s’agissait de frapper fort pour bien mettre en valeur le poids économique de l’industrie de la Défense. D’autres exemples sont là pour en témoigner, notamment les négociations en cours avec l’Irak qui portent sur la livraison de matériels d’une valeur estimée à 11 milliards de dollars. Il est vrai que nous vivons dans un monde qui est loin d’être apaisé…
Pierre Sparaco - AeroMorning