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[How I Met] Steven Moffat

Publié le 04 janvier 2012 par Hyuuji

Aujourd’hui, je vais une fois de plus inaugurer une nouvelle section pour le blog que je vais appeler « How I Met ». Cette section, dont le nom m’a été inspiré par l’excellente série How I Met Your Mother, va rassembler des articles sur les personnes connues que j’ai rencontrées et que je vais rencontrer dans l’avenir. Et je vais tout de suite commencer avec du très lourd puisque je vais vous parler de ma rencontre avec Steven Moffat !

Pour ceux qui ne le savent pas, Steven Moffat est le créateur de Sherlock et le show-runner de Doctor Who depuis le début de la saison 5. Il a d’ailleurs écrit les scénarios d’épisodes mémorables de la série, comme le magnifique Blink par exemple. J’ai eu l’immense honneur de le rencontrer et de l’interviewer lors du Comic Con’ de l’année dernière. Cette interview date donc un peu, mais je tenais quand même à la publier sur le blog (sachant que je l’avais déjà publiée sur Trust Your Doctor, mais que l’avenir de ce site est incertain pour le moment). Enfin, il faut savoir que l’entretien s’est déroulé lors d’une table ronde et donc je n’étais pas le seul à poser des questions. Mais bon, il faut quand même reconnaitre que j’ai eu une chance énorme de pouvoir rencontrer ce grand monsieur !

Moffat [How I Met] Steven Moffat

Pouvez-vous nous parler de la décision de séparer la saison en deux parties ?

Oui, je peux ! Le problème avec une programmation estivale de Doctor Who, c’est que c’est la période des barbecues. C’est une des raisons. Mais aussi et surtout, le souci lorsqu’on a un show qui dure treize semaines, c’est qu’il a tendance à s’essouffler en milieu de diffusion. Les gens se disent « cette série est à l’antenne depuis des siècles, tant pis si je manque tel ou tel épisode ». Donc, je me suis dit « faisons un finale de mi-saison ! ». Ça va à l’encontre des standards, on ne peut pas avoir de finale tant que la saison n’est pas finie. Et puis on s’est dit pourquoi pas ? Finalement, on a assez d’épisodes pour faire deux parties. Donc faisons sept épisodes, une sorte cliffhanger à la fin, et on reprend après l’été. Et puis il y avait aussi une raison narrative à tout ça. Je voulais finir sur la révélation sur River Song. En plus de toutes les autres choses, le Docteur doit maintenant digérer cette info et donc, sa potentielle relation avec la fille d’Amy et Rory. A ce moment là, j’imagine qu’il a juste envie de s’enfuir et se dit : « Oh mon dieu, imaginez le prochain dîner de noël en famille ! ». Je crois qu’après une telle claque, il ne pouvait pas revenir une semaine après, comme si de rien n’était : « Eh bien Amy, Rory, ça c’était une sacrée surprise ! Je ne sais pas, peut-être bien que c’est ma femme ! »

Hyuuji : Est-ce que le choix de Matt Smith dans la peau du Docteur a été une évidence pour vous ?

Oui, ça l’é été ! (Rires) Pourtant, je ne m’y attendais pas du tout. Quand on a commencé l’aventure, j’ai dit deux choses à mon équipe, au sujet des auditions : « Ce sera un processus très long, ça durera sans doute des mois » et « je vous rappelle qu’on cherche un Docteur qui a une quarantaine d’année ». Et le premier jour, le troisième à se auditionner était Matt Smith. Sa performance était la même que celle que vous connaissez aujourd’hui. Et c’était fait ! C’était un choix audacieux, mais tellement évident. On avait trouvé notre Docteur. Un Docteur complètement nouveau. Nous étions tous d’accord sur ce sujet. J’avais gardé la vidéo de l’audition dans mon IPhone parce que les gens, en apprenant que l’on avait engagé Matt Smith, me répétaient « Qu’avez-vous fait ? Ce n’est pas le Docteur. C’est un gamin ! ». Je dégainais alors mon téléphone et la réaction était immédiate : « Ooooooooh ! ». Donc oui, la décision fut très facile à prendre.

Pour une série avec une telle longévité, comment faites-vous pour qu’elle ait l’air toujours aussi « fraîche » ?

C’est simple, c’est l’essence même de Doctor Who ! Il n’y a que deux, voire trois personnages récurrents par période, et les décors, en dehors du Tardis, changent à chaque épisode… Mais surtout, c’est parce que j’aime tellement cette série ! J’aime voir le Docteur en danger, me demander ce qu’il va se passer. Le jour où je commencerai à moins l’aimer, j’arrêterai de la faire et quelqu’un d’autre, qui l’aime passionnément, prendra la suite. Le concept de Doctor Who repose sur la régénération. Quel autre show peut se permettre de changer le visage de son héros sans cesses et sans que cela ne dérange personne ?

Dans Doctor Who, chaque année, il y a un arc narratif qui court sur toute la saison, et les aventures qui composent chaque épisode. Sur quoi mettez-vous la priorité, la petite ou la grande histoire ?

Les petites intrigues ! Chaque épisode doit être LE divertissement du samedi soir. On ne peut donc pas tout miser sur un seul grand arc narratif. D’ailleurs l’arc le plus « feuilletonant » qu’on ait eu jusqu’alors, c’est celui dans lequel nous sommes actuellement. C’est également un des plus complexes de toute l’histoire de Doctor Who. Mais même celui-ci, et même s’il reste encore plein de choses à résoudre dans la seconde partie de la saison, reste relativement facile à écrire. Mais je ne veux pas qu’il surplombe les aventures de chaque épisode. Ce qui compte le plus, ce sont les histoires individuelles. C’est la colonne vertébrale de Doctor Who. Cette série est comme une anthologie. Après tout, vous avez plus de réponses dans le second épisode que dans toute une saison de Lost ! (Rires)

Dans les épisodes que vous avez écrits, les références aux cauchemars de l’enfance sont nombreuses : le monstre sous le lit, la fissure dans le mur qui ressemble à un sourire démoniaque… D’où vous viennent ces références ? De vos propres cauchemars ou de vos traumatismes d’enfant ?

(Rires) Non en fait, la plupart des traumatismes que j’ai eu étant enfant, tout comme l’inspiration dans mon travail, vient de Doctor Who ! C’est un gros travail et soyons honnêtes, même si ce n’est pas une série à gros budget, je trouve que c’est plutôt bien imité ! Et quand on était à la limite de ce que permettait ce budget, certains monstres étaient parfois carrément cheap. Mais la meilleure décision qu’on ai prise pour Doctor Who, c’est de lui donner une dimension de proximité. On a toujours le sentiment que le Docteur pourrait débarquer dans votre salon. Bien sûr l’espace, les monstres, tout cela est assez effrayant. Mais si vous voyez qu’il se cache quelque chose sous le lit, dans le placard, ou qu’on entend des voix au travers d’une fissure de l’autre côté du mur… c’est immédiat. Ça vous ramène à votre propre foyer. Et c’est ça le rôle de la télévision. Elle amène la fiction directement dans votre maison, ou du moins c’est ce qu’elle est censée faire. Vous allez vers la fiction lorsque vous allez au cinéma ou au théâtre. Ici, c’est elle qui vient à vous et ce, tous les soirs. C’est pour cela que c’est le meilleur média.

D’ailleurs on constate que la télévision gagne de plus en plus d’espace et qu’elle est de plus en plus inventive.

Oui, c’est parce que la télé, c’est vraiment mieux que le cinéma ! Vous vous voyez expliquer à la jeune génération, et celle encore après, qu’il faut se déplacer et s’enfermer dans une grande salle où on vous projette des images sur le mur, alors que très bientôt la télévision atteindra les mêmes niveaux de qualité ? La technologie fait des pas de géant. Comment le cinéma pourrait survive à ça ? Après tout, ses recettes viennent en grande partie de la vente de DVD. Aujourd’hui, la majorité des films se regardent depuis son salon ! Certains films sont devenus des succès grâce à la télévision comme La Vie est Belle ou Casablanca. Je crois fermement en la télévision. Quand l’industrie cinématographique était à son apogée, elle tournait beaucoup plus de films. La télévision a changé la donne. Et c’est un vieux qui vous le dit !

Hyuuji : Avez-vous toujours su qui était River Song ?

En réalité, au départ, je l’avais créée pour des raisons pratiques. Dans Silence in the Library, le Docteur est coincé dans une bibliothèque géante, qui était condamnée depuis une centaine d’années, jusqu’à ce débarque cette archéologue qui a pu forcer l’entrée. Et très logiquement, il devrait se faire arrêter, se justifier, il ne peut aller nulle part. Il fallait trouver une parade. Et il y avait cette femme, très attirante, qu’il n’a jamais rencontrée. Et on voit David Tennant et Alex Kingston se tourner autour et on se dit « il y a une histoire derrière tout ça ! ». A la fin de Forest of the Dead, je commençais à avoir une idée plus claire sur son identité. Mais vous avez encore tant à découvrir sur leur relation ! Les réponses vont venir. Mais, oui, j’ai très vite su où je voulais aller.

Parce que Doctor Who est une série sur les voyages dans le temps et l’espace, tout est possible. Est-ce que vous vous imposez certaines limites ?

Pas vraiment, non. Doctor Who ne doit pas être dans la retenue. Enfin, c’est un spectacle familial, vous devez aussi divertir les enfants et vous adressez à eux. Ce qui ne signifie pas que les histoires doivent être simplistes. On ne doit jamais parler à des enfants comme s’ils étaient idiots. Il faut les captiver, les faire se concentrer et ne jamais les traiter avec condescendance. Mettez-les au défi ! Je leur file la chair de poule, voilà ce que je fais. Je leur flanque une trouille mémorable. Si vous demandez à un enfant ce qu’il aime dans Doctor Who, il vous répondra que plus c’est effrayant, meilleur c’est. Il n’y a pas de méchanceté gratuite dans cette série. C’est l’histoire de cet homme adorable qui protège l’univers. C’est un show au grand coeur en fait ! Et si vous rencontrez une limite, vous essayez de l’outrepasser.

Donc la seule limite, c’est le budget ?

Oui, c’est plus ou moins ça. Mais on a la chance d’avoir une équipe formidable qui doit souvent jongler avec les problèmes de budget et qui sont capables de te faire croire à une armée d’envahisseurs quand il n’y a en fait que trois monstres en caoutchouc.


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