Duchamp soldé
En suivant la courbe de la Regent Street de Londres, le passant attentif remarquera - s'il n'est pas déjà noyé dans la foule compacte ni saturé par l'omniprésence de lieux de consommation - l'amusante enseigne du magasin Duchamp. On y vent des habits, paraît-il. Ce n'est qu'un nom, ai-je alors pensé en le croisant; mais les petits autocollants sur la vitrine proposent un autre niveau de lecture : de petits cercles roses qui porte en leur centre l'inscription "Sale" reprennent approximativement le graphisme d'une série d'œuvres très connues du Blainvillais, les Rotoreliefs. Des prix si bas qu'ils mettent nos sens les plus intimes à l'épreuve. Tout roule pour l'opération marketing élégante et sobre de cette boutique chic dont seuls les initiés percevront le sens second.
Après tout, dans les années 1930, Marcel Duchamp avait créé ces disques de carton sans aucun but artistique. De simples jouets qui donnent l'illusion d'un volume. Il les décline en différents motifs et va même jusqu'à les présenter au concours Lépine (1935). Diffusés en France et outre-atlantique, Duchamp y consacre du temps et de l'énergie avant d'abandonner : les Rotoreliefs ne se vendent pas, l'échec commercial est total.