Texas Exil

Publié le 04 janvier 2012 par Litterature_blog

Daeninckx et Mako
© Emmanuel Proust 2011

Paris, 1871. A quelques jours de la semaine sanglante qui sonnera le glas de la commune, Fulbert Jolras, un insurgé, rencontre l’Andalouse, une femme sublime ayant notamment posé pour le célèbre tableau de Courbet « L’origine du monde ». Leur coup de foudre sera de courte durée car dès le lendemain le communard est gravement blessé sur une barricade. Miraculeusement sauvé par l’un de ses camarades, il embarque après une longue convalescence du Havre vers l’Amérique. Entraîné dès son arrivée à New York dans un braquage qui va mal tourner, Fulbert devient un fugitif recherché dans tout le pays. Après un passage à St Louis et une longue errance vers le sud, il atterrit finalement à Dallas, dans une communauté utopique de français exilés au Texas. C’est au sein de cette communauté devenue depuis peu la 46ème section de l’Association Internationale des Travailleurs que Fulbert se lance dans l’industrie de la conserve, où il fera fortune
Quelle densité ! Faire tenir en 120 pages une vie aussi riche est un véritable exploit. Heureusement, Didier Daeninckx n’est pas né de la dernière pluie. Il sait y faire, le bougre, pour installer une histoire et lui donner du souffle. Comme à son habitude, il prête une couleur très sociale à son propos et ne cesse de mêler la petite et la grande histoire. La trajectoire de Fulbert est de l’ordre de l’imaginaire mais nombre de personnages qu’il croise au cours de son existence sont eux bien réels : Mohamed Ben Ali, son camarade insurgé d’origine africaine, Courbet, Auguste Renoir, Jules Allix, le maire du IXème arrondissement de Paris ou encore Ben Long, élu maire de Dallas en 1872. De même, certains éléments relatés se sont vraiment déroulés : la Commune, évidemment, mais aussi la manifestation de l’Internationale des Travailleurs à New York le 17 décembre 1871 ou la communauté utopique baptisée La Réunion et créée par des Français à Dallas au début des années 1850. D’ailleurs, aujourd’hui encore, un quartier de la ville a gardé le nom (en français) de cette communauté. Les tatillons pointeront du doigt les grosses ficelles scénaristiques qui viennent, ici ou là, relancer l’intrigue de manière un peu artificielle. Personnellement, j’ai préféré fermer les yeux sur ces quelques improbables coïncidences pour mieux me laisser mener par le bout du nez jusqu’à la dernière page.
Pour ce qui est du dessin, le noir et blanc de Mako est aussi généreux que puissant. Beaucoup de détails, des scènes de fusillades rendues limpides par un découpage d’une redoutable efficacité, bref du très beau travail.
Prévu au départ pour être une série, Texas Exil a été interrompue après le premier tome publié en 2005 sous le titre de Bravardo. Cette réédition en noir et blanc, complétée et retravaillée, permet aux lecteurs de la première heure de connaître enfin la conclusion de l’histoire. Finalement, l’échec de la mouture initiale aura été un mal pour un bien tant ce one shot romanesque à souhait y a gagné en intensité. Certes pas un chef d'oeuvre mais une bonne BD d'aventure qui ravira les amateurs du genre.
Texas Exil, de Didier Daeninckx et Mako, Éditions Emmanuel Proust, 2011. 120 pages. 16.90 euros.

Daeninckx et Mako © Emmanuel Proust 2011