Le Monarque avait convoqué un quart du gouvernement pour montrer à quel point il s'était saisi du dossier: François Baroin (Economie), Xavier Bertrand (Travail), Nathalie Kosciusko-Morizet, (Ecologie) Eric Besson (Industrie), Thierry Mariani (Transports) et Michel Mercier (Justice). Même le « Commissaire aux investissements d'avenir », René Ricol, pressenti comme directeur de campagne du candidat Sarkozy, était également présent. Attention, le président-protecteur était à l'oeuvre !
Mardi, il parlait devant des militaires, dans le Finistère. Mais patatras. C'est François Hollande qui fit l'actualité et lui ravit l'attention médiatique.
Sarkozy à Seafrance: démerdez-vous !
SeaFrance est une société anonyme... mais publique puisque filiale à 100% de la SNCF. Elle exploite une ligne de fret maritime dans le Pas de Calais. Déficitaire depuis une dizaine d'années, l'entreprise avait été placée en liquidation judiciaire le 16 novembre, et les lignes avaient été interrompues. Des salariés, soutenus par la CFDT, avaient établi un projet de reprise de la société par une société coopérative ouvrière (SCOP). Aucun autre projet de reprise n'a été déposé. 880 employés sont concernés, et autant d'emplois indirects.
Lundi, Nicolas Sarkozy aurait enfin trouvé la solution: il demanda officiellement à la SNCF de verser quelque 40 millions d'euros d'indemnités supra-légales de licenciement aux salariés afin que ces derniers puissent souscrire d'un montant équivalent aux parts de la SCOP.
«Dans ce contexte, j'ai demandé à la SNCF de mettre en place une indemnisation supra-légale exceptionnelle en faveur des salariés licenciés, afin de leur permettre d'apporter ces fonds à la scop.»Quelle proposition ! Primo, il s'agit d'un revirement, l'une de ses pirouettes si habituelles en Sarkofrance, sans doute le signe d'une angoisse électorale profonde à l'idée que Seafrance ne devienne le symbole du moment de l'inaction sarkozyenne. Secundo, il s'agit d'un désaveu pour les deux ministres en charge du dossier, Mariani et sa ministre de tutelle Kosciusko-Morizet. Vendredi dernier, Thierry Mariani avait déjà rencontré les représentants des salariés... en vain. Il avait même dénoncé leur « fanatisme qui nous mène au suicide collectif » et jugé que la reprise de l'entreprise par la SCOP n'était pas crédible.
Tertio, il s'agit d'un cadeau empoisonné. La SNCF est une entreprise publique, actionnaire à 100% de Seafrance. Le volontarisme économique version Sarkozy se résumerait donc à « encourager » par écrit et par oral une entreprise publique à sur-indemniser les salariés d'une filiale déficitaire. Quel aveu d'impuissance ! « On demande à la SNCF de faire un effort exceptionnel. Vous avez cité la fourchette de cet effort. On est en train de regarder précisément les choses » a déclaré Kosciusko-Morizet. « La SNCF, je pense, sera heureuse que les indemnités chômage, fussent-elles majorées, participent de la création ou du maintien d'emplois plutôt que d'être de simples indemnités chômage ».
Pour le reste, le complément nécessaire à la capitalisation de la SCOP serait apporté, d'après la même ministre, par « les collectivités territoriales ». Fichtre ! Vous rappelez-vous... ces irresponsables « collectivités territoriales » de gauche qui dépensent trop et sans compter ? Et bien, cette fois-ci, elles étaient appelées à la rescousse pour sauver la filiale de la SNCF: Elles « ont signé une lettre d'intention pour apporter 11 à 12 millions, les indemnités légales et extra-légales de chômage couvriront au moins le reste » expliqué NKM. Quel courage !
Sarko-Zorro ? Non, certainement pas, plutôt « Sarko le vicieux », comme le confia un proche du Monarque, anonyme, au journaliste Arnaud Leparmentier mardi matin: « c'est vicieux: on va voir si les salariés mettent leurs indemnités majorées dans ce projet ». Nathalie Kosciusko-Morizet ne disait pas autre chose: « Libre à eux de créer ou pas la Scop ». En d'autres termes, on ne croit pas à votre projet, mais risquez votre argent et démerdez-vous.
Le tribunal de commerce de Paris a finalement reporté son examen du projet de reprise de la compagnie de ferries transmanche par une SCOP à lundi.
Drôles de ministres en drôle de campagne
Nicolas Sarkozy fait une drôle de campagne: officieuse, sans projet mais avec beaucoup de moyens - ceux de l'Etat - et de militants - tous ses ministres. Sur les réseaux sociaux, observez l'activisme de Nadine Morano et Valérie Pécresse, capables de tweetter une quinzaine de fois en pleine matinée. Nora Berra, secrétaire à la Santé, a même pris la peine d'écrire un long commentaire sur son blog à l'encontre de la lettre aux Français de François Hollande publiée le matin même dans Libération.
A l'UMP, l'ami de Ziad Takieddine et secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé n'a pas hésité à traité François Hollande de couard: « François Hollande érige la couardise en stratégie de campagne ». A-t-on le droit de traiter Sarkozy de couard et Copé de corrompu sans risquer une poursuite en justice ? La campagne de l'UMP démarre fort, très fort et très bas.
Xavier Bertrand a confirmé mardi que le gouvernement souhaitait faire passer la TVA sociale avant le scrutin présidentiel. Il y a à peine un an, il pensait que c'était une erreur, et voici ce qu'il disait à Jean-François Copé : « Je lui ai dit que le débat sur la TVA sociale, on l'avait déjà eu en 2007. Et j'ai ajouté qu'une hausse de la TVA pour tous les Français n'était certainement pas la solution pour abaisser le coût du travail ». Xavier Bertrand a des convictions ... très évolutives.
On se rappelle que c'était une promesse du candidat Sarkozy en 2007. Qu'il est toujours étrange de constater que certains engagements de 2007 se révèlent urgent à 3 mois et 3 semaines du scrutin suivant... Sur le fond, les modalités de cette TVA sociale sont toujours floues. Nicolas Sarkozy n'a pas souhaité divulguer de combien il pensait rehausser une TVA déjà haute. L'Allemagne avait augmenté de 16 à 19% son taux de TVA à l'occasion d'une réforme similaire. Avant d'être « sociale », la TVA française est déjà à 19,6%!
Sarkozy, lui, parlait aux armées, maltraitées depuis 2007. Nous y reviendrons. Ces voeux étaient ratés. A l'Ecole navale de Lanvéoc-Poulmic, le Monarque a échangé « durant plus de cinq minutes » avec les élèves et professionnels.
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