Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse ne pourront que chanter la gloire du chasseur.
Par Gisèle Dutheuil, depuis Abidjan, Côte d’Ivoire
Article publié en collaboration avec Audace Institut Afrique
Il ressort du film que, pour tous les « lions », l’Afrique souffre d’une forte domination : domination des anciennes puissances coloniales, essentiellement la France, à travers la monnaie, les bases militaires, les réseaux dits françafricains et des entreprises multinationales protégées ; domination soutenue par des dirigeants africains complices baignant dans la corruption sous-jacente, sous perfusion d’aide publique internationale. Les Africains sont ainsi maintenus en captivité à la fois par un système de domination mondiale mais également par leurs propres dirigeants. Tel est le constat unanime des « lions ». Ils s’expriment cependant peu sur les voies à emprunter pour sortir les populations africaines de ce carcan oppressant. Ils dénoncent. La prise de conscience est d’ailleurs le début de l’engagement.
Cependant, si l’on décortique leurs analyses, sachant que l’Afrique est dominée au plan international et que ses dirigeants, plus ou moins complices intéressés de cette emprise, enfoncent leurs pays depuis des décennies dans une pauvreté croissante, il est difficile de chercher en eux la solution, sauf à attendre l’avènement d’un leader charismatique, ce qui semble peu probable. Si la solution ne vient ni de l’extérieur, ni des dirigeants africains, naturellement l’analyse s’oriente vers des solutions libérales. D’ailleurs, les audits de la liberté économique dans le monde réalisés par le Fraser Institute et l’Heritage Foundation, mettent clairement en évidence que la liberté et le progrès sont intimement liés. Si les gouvernements ne font rien pour les populations, ils se devraient au moins de les désenchaîner pour qu’elles puissent créer leur propre richesse. Comme les leaders semblent peu enclins à desserrer l’étau, il est urgent de former une société civile forte qui ait la maturité et la détermination de demander sa liberté.
La liberté peut paraître un objectif imprécis mais si l’on parle concrètement de : faciliter les échanges commerciaux ; de simplifier les formalités de création d’un entreprise et d’en diminuer les coûts ; idem pour les titres de propriété privée ; si l’on parle d’impôts moins écrasants et de déclarations fiscales simplifiées ; de justice efficace et impartiale capable de protéger la propriété et les contrats ; de protection des inventions ; de liberté de s’exprimer ; de diminution de la corruption grâce à un contrôle de l’action des dirigeants, etc. Tout cela donne du volume au mot liberté.
Les Ivoiriens ne s’y trompent d’ailleurs pas. Les différentes crises ont fini par les convaincre de l’impératif de vivre plus libres. La défaillance de leur État depuis les indépendances est incontestable. Soulignons que la Côte d’Ivoire figure dans les États les plus défaillants dans les classements mondiaux (10ème État le plus défaillant sur 177 selon le Fund for Peace pour l’année 2011). Si jadis les conversations étaient ponctuées de « ça va aller », cette expression fataliste tend à disparaitre peu à peu des échanges. L’heure est à la prise de conscience et à la recherche de solutions concrètes.
Audace Institut Afrique s’est intéressé, début décembre, au point de vue des Ivoiriens, à leurs espoirs et surtout à l’importance qu’ils accordent à la liberté. Une enquête a donc été menée par l’équipe de l’institut auprès des populations d’Abidjan dans différents quartiers (Abobo, Adjamé, Williamsville, Yopougon, Cocody, Palmerais) mais également à Grand Bassam et Daloa.