Emmanuel Martin – le 3 janvier 2012. Le monde disparaitra-t-il en 2012 ? Même sans légende inca et sans météorite, l’avenir n’est pas rose. Tout dépendra des choix que feront les dirigeants du monde, notamment du point de vue de la responsabilité du politique et de l’ouverture.
La première question, qui concerne essentiellement les démocraties sera : poursuit-on dans une démocratie dysfonctionnelle qui ne représente plus qui que ce soit si ce n’est les lobbies, depuis longtemps ? Continue-t-on dans la voie d’un modèle dans lequel l’administration ne fait face à aucun contre-pouvoir réel, n’a aucune imputabilité, et dont les incitations dans un système électoraliste sont, à tous les étages, de toujours dépenser plus ? Dans cette perspective, sans réforme du fonctionnement même de la démocratie,la crise ne pourra que s’aggraver. Quand on observe l’enterrement de rapports gênants en France ou les débats budgétaires aux USA et que l’on sait qu’il y aura des élections présidentielles dans ces deux pays, on peut avoir la quasi-certitude que 2012 y verra l’amplification de la crise des finances publiques. Et ce d’autant qu’un pays comme la Chine, bailleur principal de la dette US, voit sa bulle, créée par les politiques « keynésiennes » de relance il y a 3 ans, éclater au grand jour. En Europe, si la « solidarité » se renforce, un étage supplémentaire dans le système de déresponsabilisation du politique va se créer.
Il n’est pas très difficile de prévoir l’avenir d’un tel système – les règles d’or, qui existaient de toute façon déjà dans le traité de Maastricht, n’y feront rien : il se crashera. On ne peut repousser indéfiniment les problèmes. La procrastination a fait son temps. Et si les dirigeants refusent de prendre le taureau par les cornes, c’est parce qu’ils comptent se servir de la monnaie (de singe) pour se sortir de ce mauvais pas. Après avoir taxé, endetté, voilà qu’ils vont abuser de l’outil monétaire pour financer leur course folle dans l’irresponsabilité. La Fed fait du Quantitative Easing depuis 3 ans et la BCE, quoi qu’elle en dise, fait à peu près la même chose désormais. L’inflation ne tardera pas à émerger, laminant les revenus des plus faibles, déstructurant l’économie comme elle l’a fait dans les années 70.
La deuxième question porte sur l’ouverture. Le monde ne risque-t-il pas de sombrer à nouveau dans le repli sur soi qui mène généralement à la guerre ? Jugeons-en. En France la campagne bat son plein sur les thèmes rétrogrades du produire français, de la TVA anti-délocalisation, les extrêmes veulent le retour aux monnaies nationales, on ne veut plus des étudiants étrangers… Aux USA on punit la Chine. L’idée de démondialisation a fait son chemin. Et comme dans les années 30, cette montée du protectionnisme, dans un monde où les chaines de valeurs sont internationalement imbriquées avec un degré bien supérieur à celui de l’époque, mènera à la catastrophe : c’est parce que la taille du marché est mondiale qu’il est possible d’avoir une division aussi profonde du travail. Un grand marché mondial représente infiniment plus d’opportunités de croissance (de « rendements croissants généralisés ») qu’une somme de « petits » marchés nationaux.
Du côté nord-africain le printemps arabe avait suscité un espoir sans précédent. Mais un en plus tard le tableau est bien triste. Un nouveau groupe FaceBook a émergé il y a quelques jours : Buy Tunisian. Alors que le printemps arabe est parti précisément d’un entrepreneur tunisien qui demandait en définitive qu’on le laisse faire des affaires en paix - une demande d’ouverture donc – voilà où en est le pays aujourd’hui : à réclamer la fermeture. Et le vote massif pour l’islamisme n’est pas fait pour rassurer de ce point de vue. Le retour de la charia en Libye, les mesures anti-richesses prônées par certains islamistes, qui vont au-delà d’un simple puritanisme (qui, pour Max Weber, pouvait s’avérer productif), tout cela va visiblement dans le sens de la fermeture. Si c'est aussi la fermeture qui prévaut sur le dialogue au Moyen-Orient (Iran, Palestine) et dans certaines régions d'Afrique, là aussi on ne peut être que très pessimiste.
Si 2012 suit effectivement le chemin de l’irresponsabilité politique et de la fermeture, alors il n’est pas très difficile de prédire que ce sera une mauvaise année. Pas besoin de météorite.
Emmanuel Martin est analyste sur UnMondeLibre.org.