Les moissons sont décidemment de plus en plus maigres, un livre sur Léon Riotor, s'est toutefois glissé dans mon panier.
Publié en 1911 à la Bibliothèque de l'Association, il fait partie d'une série, Littérateurs et Artistes, signée de Fernand Clerget, où l'on trouve Barbey d'Aurevilly, Emile Blémont, Ernest Raynaud et Paul Gourmand. Clerget pour cette biographie à eu accès aux papiers de Riotor et notamment à son courrier duquel il extrait de nombreuses citations de lettres reçues (Bergerat, Buet, Gourmont, L. Cladel, J. Sarrazin, E. Ledrain, Puvis de Chavannes, J. Claretie, A. Rodin, etc). Les principaux ouvrages de Riotor y sont décris et analysés, ses multiples collaborations aux journaux et revues relevées, le tout est illustré d'un portrait en couleur par Vibert (reproduit ci-dessus), d'un portrait au crayon par Steinlen (déjà reproduit, là), d'un portrait en héliogravure retouché par M. Desboutins, d'un portrait de Frédéric Front, de deux portraits-charges l'un par Paterne Berrichon, l'autre par Moloch (voir ci-dessous), de deux portraits photographiques, de lettres autographes de Puvis de Chavannes, Rodin, Willette, d'illustrations de Puvis de Chavannes et Rodin, d'un ex-libris d'Edmond Rocher, et de deux photographies.
Comme il n'est pas possible de reproduire ce volume je me contenterais d'un article de Louis Lumet, publié dans La Plume du 15 mars 1897, à l'occasion de la sortie de Fidélia, poème légendaire.
Léon Riotor
(A propos de Fidélia 1)
Qu’on ne croie à quelque los d’une camaraderie indulgente, non plus à un éreintement d’écolâtre bilieux, modes de jugements trop mis en faveur par les jeunes esthètes contemporains. Ces brevets de maîtrise, que les officiants d’une même chapelle s’octroient généreusement, tout comme les interdits rigoureux dont se frappent les grands prêtres rivaux, ne sont que plaisanteries d’augures et jalousies de commerçants.
Dans cette page, ni d’éloge, ni de rancune, bien simplement, j’exposerai l’émotion de mes lectures, ainsi qu’au détour d’un chemin je dirais un paysage de rocs et de sapins vivaces.
L’œuvre de Léon Riotor est déjà considérable par le nombre des volumes publiés : le Pécheur d’Anguilles, les Raisons de Pascalin, Noce Bourgeoises, l’Ami inconnu, le Sceptique loyal, Deux Nomarques des lettres, le Pressentiment, les Enfers bouddhiques, Des bases classiques allemandes, le Parabolain, le Sage Empereur, et enfin Fidelia, le dernier.
Voilà des livres divers qui s’inquiètent de toutes les productions de l’intelligence, qui s’expriment selon toutes les manières de l’art. Philosophie, Morale, Psychologie, Histoire, Critique ont tenté cet avide cerveau dont la caractéristique pourrait se définir : indépendance, curiosité. Dans une production, aucune méthode d’école ne l’asservit ; délibérément il choisit sa phrase et ses rythmes. Il employa le vers libre et on ne saurait l’assimiler aux symbolistes ; il soigna son écriture et il ne ressemble point aux fervents du mot. En s’inspirant des autres, il a l’heureuse chance de rester lui-même.
Devant la multitude des systèmes, des opinions qui se choquent, Léon Riotor a senti la difficulté de se créer une certitude, et c’est le Pécheur d’Anguilles, entre les mains duquel les théories s’enfuient subtiles et moqueuses.
Après l’étude des livres, il regarda les faits et les choses, et nous avons ce sarcastiques et lucide petit guide qui nous dirige dans la société moderne : les Raisons de Pascalin. Cette dialectique rigoureuse, sous une apparence légère, me charme particulièrement.
La fausse gravité des marchands en retraite l’excite à la raillerie, et il épanche un large rire dans une charmante bouffonnerie : Noce bourgeoise. Artiste amant de la liberté, il fragelle d’une verge plaisante et qui cingle pourtant les petites vies étroites et ridicules.
Les Deux Nomarques de lettres sont un essai de critique très loyale.
La magie, la télépathie, les sciences occultes, à la mode aujourd’hui, l’ont hanté, et il rêva le Pressentiment où s’avère un obscur frisson.
En écrivain sûr de donner des œuvres fortes, il se paya le luxe de composer un innocent roman pour jeunes filles, l’Ami inconnu, et il le réussit.
Parlerais-je des innombrables articles que Léon Riotor prodigue dans les revues et dans les quotidiens (dits grands) ? Chaque jour voit une page nouvelle. Riotor a l’impérieux besoin de produire. Il lui serait aussi impossible de ne pas écrire que de s’abstenir de manger.
Et de ces observations, à brassées, recueillies suivant le hasard des routes, j’attends le livre de synthèse, - qui pourra être un chef-d’œuvre, - sans impatience, car je suis certain que ce livre sera.
Louis Lumet.
(1) Un volume à la librairie de la Plume. Edition à petit nombre, hors commerce.
P.S. : Les habitués de Livrenblog ont pu remarquer que les billets ont été rares ces derniers jours. La cause en est à un problème informatique qui m'a obligé à changer complétement de matériel. La plupart de mes données ont put être récupérées, seules les adresses de courriel ont été égarée dans les manipulations informatiques, je demande donc à tous ceux qui étaient en relation avec moi de bien vouloir m'envoyer un courriel avec leurs coordonnées afin que je puissent remplir à nouveaux mon carnet d'adresse.