Marketing éthique : phénomène de mode ou tendance de fond ? Pour tenter d’y répondre, cet article aborde ce que pourrait être le marketing éthique dans son application au sein des entreprises.
Une approche qui nécessite de s’interroger sur les 4 P du mix marketing, c’est-à-dire sur les éléments « opérationnels » que l’entreprise met en œuvre afin d’aborder tout marché.
Le marketing éthique… Kesako ?
S’interroger sur le marketing éthique nécessite en tout premier lieu à tenter de définir ce qu’est l’éthique ainsi que différents termes fréquemment cités en ce domaine.
L’éthique est souvent considérée comme synonyme de morale, voire confondu avec elle. Cette approche est un sujet de discussion qui peut être sans fin puisque faisant essentiellement appel à la philosophie…
De façon simplifiée la morale renvoie à délimiter le bien du mal. Définition qui, généralement, est empreinte de croyances (religions), se construit dans un lieu particulier, et ce, au sein d’un espace temps donné. Ainsi, au Moyen-âge, il semblait tout à fait moral que le seigneur se rétribue plus que largement sur les biens produits par ses sujets, comme dans la Grèce antique posséder un esclave était une normalité…
L’éthique serait une conception plus moderne faisant référence au bon et au mauvais et s’inscrivant dans l’action. Pour prendre un raccourci, ce serait la transcription pratique de la morale débarrassée de toute considération religieuse, adoptant ainsi une dimension raisonnable. Aussi, il n’est pas considéré comme éthique de voir aujourd’hui des entreprises rémunérer des cadres dirigeants de façon somptuaire, dégager des profits conséquents et de l’autre de licencier en masse…
Pour en terminer sur cette introduction permettant de, peut être, mieux situer les choses, il convient encore de définir un autre terme, lui aussi associé à morale et éthique : la déontologie. Dans le monde des affaires, la déontologie prend la forme de « codes déontologiques », c’est-à-dire de règles non juridiques (soft-law) volontairement acceptées par les contractants et permettant d’encadrer ce qu’il est bon de faire afin de respecter les intérêts mutuels des parties en présence.
Produit et marketing éthique
Certaines approches peuvent être considérées comme éthiques au niveau du produit. Par exemple, un produit qui soit respectueux de l’environnement (utilisation de matières recyclables ou/et biologiques – réduction ou limitation du packaging), qui ne porte pas atteinte à la santé des individus, qui soit utile aux consommateurs.
Mais de quelle utilité parle-t-on ? L’utilité réelle, l’utilité engendrée par la représentation sociale ou encore l’utilité perçue … Les prothèses mammaires PIP (dont on parle beaucoup) étaient certainement utiles aux personnes nécessitant une reconstruction du buste, en revanche étaient elles utiles à celles qui souhaitaient changer leur esthétique ? Quelle que soit la réponse (et elle appartient à l’individu), il semble que la preuve soit faite que ces produits étaient néfastes à la santé des femmes et que l’entreprise en ait eu connaissance.
Un produit dit « éthique » peut aussi se voir « certifié » par une norme, l’attribution d’un label (écolabel, Agriculture Biologique, NF environnement, etc.) ou encore une marque propre (« Auchan vivre mieux », « NaTrue » pour les produits cosmétiques) créée par une entreprise ou un groupement d’entreprises.
Mais, compte tenu de la multiplicité de ces marques et Labels, comment le consommateur peut-il s’y retrouver ? A titre d’exemple, le téléphone mobile N95 de NOKIA s’est vu attribué le Label « Energy-star4.0 », combien de personnes connaissent ce label et que recouvre t-il exactement ?
Prix et éthique
Le principe de base est que tout prix, pour un produit ou un service, soit rémunérateur. Au-delà de ceci, toute liberté (ou presque) est laissée aux entreprises pour fixer leurs tarifs. Sur le principe de l’éthique, le prix devrait être accessible à tous ceux qui ont un besoin réel de consommer le produit considéré. Ainsi, un laboratoire pharmaceutique ne devrait pas commercialiser une molécule qui combat le SIDA en pratiquant des marges inconsidérées et donc innaccessible à certains malades.
Pourtant, des exemples comme le chargeur solaire SOLIO, qui recharge à partir de l’énergie solaire presque tous les appareils nomades (mobiles, PC, IPos, tablettes, etc.), donc très utile et respectueux de l’environnement, est commercialisé généralement au prix de 89,90€… soit en moyenne plus du double du prix des produits concurrents ! Parle-t-on alors vraiment d’éthique ?
Communication et éthique
Cette question porte sur deux aspects : le message véhiculé et les moyens utilisés pour transmettre le message.
- Sur les messages, une démarche éthique consiste à diffuser des informations sincères, véritables, accessibles et j’ajouterai vérifiables. Le respect de cette règle assure au consommateur une information qui lui permette de se déterminer en toute connaissance de cause. On peut remarquer en la matière le travail réalisé par l’ARPP (Association de Régulation Professionnelle de la Publicité, ex BVP) qui vise à assurer une communication « loyale, véridique et saine dans l’intérêt des consommateurs, du public et des professionnels de la publicité », qui édicte des codes de déontologie et des recommandations thématiques ou sectorielles.
Le fameux Médiator en soi n’était pas un mauvais produit puisqu’il bénéficia d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) par les instances accréditées. Utilisé dans des conditions spécifiques avec une diffusion des contres indications et effets induits, il devait traiter des diabétiques. Mais il fut détourné dans sa communication auprès des professionnels pour être prescrit à des personnes voulant perdre du poids.
- Sur les supports de la communication, le respect de l’éthique semble plus aisé. Tout moyen qui respecte l’environnement peut être considéré comme éthique : Internet (qui limite l’utilisation du papier), le carton, le papier recyclables ou issus de forêts en gestion durable.
Distribution et éthique
Distribuer un produit c’est faire appel à un canal de distribution, aux acteurs de celui-ci et mettre en œuvre une force commerciale.
Concernant le canal de distribution, peut-on dire qu’un canal est plus éthique qu’un autre ? Je n’ai pas de réponse en la matière …
En terme d’acteur, c’est-à-dire d’intermédiaires, on peut penser que les distributeurs de types coopératives ou mutuelles ont par essence même une approche plus éthique que d’autres. Toutefois, force est de constater que ce secteur est d’un poids bien modeste. Par ailleurs, comment une multinationale comme Danone peut elle envisager de ne commercialiser ses produits qu’auprès des distributeurs coopérateurs ou d’intermédiaires du type Biocoop et retirer ses produits des Carrefour qui ont été condamnés pour non respect de la réglementation sur les salaires ?
Enfin, considérant la force commerciale, respecter certains principes (égalité hommes/femmes, juste rémunération, formation, perspectives d’évolution, information loyale sur les produits, respect des clients, etc.) tendrait à aller vers plus d’éthique.
Pour conclure
Au travers des quelques exemples proposés nous voyons que la question du marketing éthique n’est pas évidente. L’entreprise qui souhaite s’inscrire dans cette démarche n’est pas isolée et ne peut tout maîtriser, comme par exemple ses intermédiaires. A mon sens, il ne peut y avoir de marketing éthique que si au sommet de l’entreprise la démarche est initiée et diffusée à tous les niveaux, bien au-delà des seules actions et service marketing.
Les lois, codes de déontologie, normes, RSE (Responsabilité Sociale ou sociétale de l’Entreprise) et autres moyens plus ou moins coercitifs ne peuvent, eux aussi, régler seuls cette question. C’est donc de l’Homme que vient la réponse, de sa vision de son rapport aux autres et à la société. N’en reviendrait-on pas alors à une question de philosophie ?
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