La sécurité aérienne poursuit sa progression rassurante.
De bonnes statistiques n’ont jamais consolé celles et ceux qui ont perdu un être cher dans un accident aérien. Et il convient de le rappeler à chaque fois que sont publiées des statistiques, anonymes colonnes de chiffres inévitablement très éloignées de la dure réalité qui peut survenir à tout moment et faire très mal.
Cette précaution étant formulée, les statistiques de l’année 2011, aussitôt publiées, apparaissent comme une raison de satisfaction : 28 accidents ayant entraîné la mort de 507 passagers. La moyenne, sur une décennie, a été de 764 décès, ce qui revient à dire que les chiffres établis par l’Aviation Safety Network, conjointement avec la Flight Safety Foundation, sont incontestablement «bons». D’autant que les grandes compagnies affichent un très bon bilan et, là où il est le plus faible, à commencer par l’Afrique, il tend à s’améliorer (16% des accidents pour 3% du trafic).
L’autre manière de tirer des enseignements utiles des statistiques revient à jeter un froid dans le monde du transport aérien en constatant qu’un accident survient, en moyenne, tous les 12 jours. Et un examen attentif des «occurrences» de 2011 rappelle que tous les voyageurs ne sont pas égaux devant les risques : mieux vaut se déplacer à bord d’un avion immatriculé aux Etats-Unis, de préférence un Boeing ou un Airbus. Cela après avoir constaté que trop de petits appareils sont en cause, Twin Otter, Metro, CN 212, 1900D, etc. Il y a là de grands progrès à faire. Tout comme il conviendrait de revoir les conditions d’entretien et d’exploitation de vénérables 707 et 727, notamment, qui jouent les prolongations dans un environnement qui est loin d’être idéal.
Les Américains confirment qu’il reste beaucoup à faire du côté des compagnies régionales : depuis 2001, elles seules ont été impliquées dans des accidents. La technique à proprement parler n’est pas en cause mais plutôt les conditions d’exploitation, les facteurs humains, mais cela sans qu’il y ait nécessairement faute mais plutôt faiblesses du système. Tout comme on est en droit de s’interroger en matière de contrôle aérien, y compris au sol, ce qui est un comble.
La formule dite de la liste noire de l’Union européenne, parfois critiquée, voire décriée, a donné de nouvelles preuves de son bien-fondé : l’année dernière, 7 accidents sur 28 ont mis en cause des compagnies inscrites sur ce document. De plus, de manière générale, certains pays apparaissent systématiquement, liste noire ou pas, à commencer par la Russie, avec des causes profondes qui ne relèvent pas nécessairement de facteurs à proprement aéronautiques. D’où la difficulté d’espérer mieux.
Il convient aussi de marteler une autre réalité chiffrée : 2,6 milliards de voyageurs ont pris l’avion l’année dernière, ils seront probablement 5 milliards dans 15 ans. D’où la nécessité de relativiser.
Les Etats-Unis, pionniers incontestés en matière de sécurité (suivis de très près par l’Europe et d’autres bons élèves) sont récompensés de leurs efforts. Bien qu’ils n’évoquent plus la notion dite de «zéro accident», un objectif louable mais hautement théorique, ils constatent que les résultats obtenus grâce à des efforts tous azimuts sont excellents (si l’on ose dire). Ils viennent de boucler la décennie la plus sûre de leur aviation civile avec deux victimes par 100 millions de passagers.
Fera-t-on encore mieux ? Pour y arriver, faudra-t-il donner plus de place aux automatismes ? Jacques Rosay, chef pilote d’essais d’Airbus, après avoir évoqué des pistes intéressantes lors d’un récent colloque de l’Académie de l’air et de l’espace, a répondu avec la plus grande clarté : «par définition, le pilote est indispensable, l’imprévu est son lot quotidien ». L’un de ses grands anciens, Jean Pinet, a aussitôt pondéré cette appréciation : «le comportement humain reste un souci majeur, il stagne parce que le cerveau n’évolue pas». Pour qui pouvait encore en douter, il y a plus que jamais matière à réflexion.
Pierre Sparaco - AeroMorning