Saint Simon a été le promoteur d’une organisation scientifique de la société.
Un article de l’aleps
Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint Simon (1801-1850), « le dernier des gentilshommes et le premier des socialistes » (se définissait-il modestement), partage l’idée d’Auguste Comte : avec le XIXème siècle le monde est entré dans une ère scientifique. L’organisation sociale est encore décalée : elle a été mise en place dans l’ère militaire, puis dans l’ère législative. Il faut donc bâtir un nouveau monde, inventer de nouvelles relations humaines. Il faut une organisation scientifique de la société.En économie, la place doit être faite à la science aussi : elle s’exprime à travers l’industrie. Les industriels, les ingénieurs, les savants, les créateurs, y compris les créateurs artistiques : voilà ceux qui doivent être au cœur d’une société actuellement occupée par les politiciens, les juristes, les corporations. C’est la nouvelle élite qui doit régner sur la société. Rien d’étonnant à ce que Saint Simon ait été si populaire dans les grandes écoles ; il s’était d’ailleurs installé en face de l’École Polytechnique et Monge était son ami.
Le socialisme élitiste
Il n’y a rien de populaire ni de populiste chez ce socialiste-là. Sa « lettre aux ouvriers » leur recommande de se soumettre aux industriels, qui ont le savoir et le sens de l’organisation. On rend souvent hommage aux Saint Simoniens qui auraient créé la France industrielle. Il est vrai que sous le règne de Louis Philippe, un certain nombre de grands inventeurs et ingénieurs contribueront au développement de la France et à son rayonnement mondial : les frères Péreire, inventeurs de la banque d’affaires, Talabot, roi des chemins de fer et des compagnies de navigation, Haussmann l’architecte de Paris, et bien sûr Ferdinand de Lesseps. Mais l’industrialisation de la France leur était antérieure (Peugeot, Schneider, etc.), et l’industrie des Saint Simoniens est très proche du pouvoir politique et tire une fois de plus la France dans la direction de la centralisation et de l’intervention de l’État. L’énarchie ne date pas de 1947.
La religion saint simonienne
On sait moins que quelque vingt ans plus tôt les disciples directs de Saint Simon, qui avaient connu « le maître », avaient versé dans une religion sociale débridée jusqu’à l’utopie, voire à la folie. Enfantin et Bazard (Saint Pierre et Saint Paul) veulent bâtir le « nouveau christianisme » ; ils forment sectes et églises, leurs disciples ont de longues barbes, et ils partent à la recherche des racines du monde nouveau : vers l’Orient (d’où vient la lumière). L’Égypte, le Liban et la Syrie, puis l’Algérie, les fascinent. L’affaire se termine soit dans la folie collective, soit dans la constitution de communautés, soit dans l’aventure industrielle – une issue plus conforme aux pensées du maître.