Une course très particulière pour un nouvel an vraiment pas comme les autres... Hier, j'ai donc couru l'Annapurna 100. Une course, a priori de 100km sur le massif des Annapurnas. Décor grandiose, peloton international (plus de 200 coureurs et 20 nationalités), la course promettait un bon moment.
Ce fut un bon moment, mais surtout une épreuve pleine de surprises! La veille déjà nous avons, avec Fanny et Christophe ainsi que tout le groupe de coureurs partis du Summit Hotel le matin de Kathmandou, était surpris par l'arrêt de notre bus à cinq kilomètres environ de Pokhara: la ville est bloquée, pour cause de festival, une fête de rue très réputée au Népal (dont j'avais entendu parler mais sans penser que c'était aussi important) qui dure plusieurs jours, et englobe le 31 décembre (qui pour les népalais ne reprèsente pas grand chose, à part une occasion de faire la fête ce qui est toujours bon à prendre!). Nous terminons donc à pied, puis en bus civil pour rejoindre le lieu de la remise des prix. Là tout se passe bien, nous retrouvons quelques amis népalais, et assistons à un briefing bien précis. La suite est déjà un peu plus cahotique: bien difficile de trouver une chambre libre dans un Pokhara envahit, et comme notre réservation a sauté nous faisons quelques lodges avant de trouver. Finalement, après un dîner chinois, nous récupérons nos bagages arrivés entre temps et filons dormir. Il y a pas mal de bruit mais comme j'ai très mal dormi les nuits dernières, j'arrive à voler quelques heures de sommeil avant notre réveil à 4h30.
Nous nous rendons sur la ligne de départ. Heureusement, nous y retrouvons le petit groupe de français venu avec Pangae qui ont connu quelques galères et sont arrivés tard hier soir sur Pokhara, en raison du blocage routier. Mais pour eux aussi, les surprises ne sont pas terminés. Le peloton se range sous la banderole et nous nous élançons dans la nuit (il est 5h30) dans les rues de Pokhara.
Première surprise, et plutôt mauvaise: le ciel est très couvert et la journée s'annonce pluvieuse, nous qui n'avions eu qu'un soleil radieux depuis notre arrivée au Népal...Nous allons devoir composer avec cet élément, les éléments, qui de toutes façons décident pour nous. Les premiers kilomètres nous plongent dans une ambiance un peu particulière: lendemain de fête, et tout de même déjà de nombreux bus qui circulent, pots d'échappement bien catalytiques crachant une fumée noirâtre et peu agréable à respirer, un ruban de bitume dans une obscurité presque totale dès que l'on quitte la ville et assez irrégulier en surface (Bertrand, un de nos français, aura ainsi la malchance de se donner une entorse au bout de 4 kms, couronnant ainsi son voyage...). La tête de course est bien entendu partie très vite, je navigue en assez bonne position cependant et les sensations sont bien meilleures que je ne le craignais après des nuits très courtes depuis mon arrivée (pas bien absorbé le décalage horaire cette fois ci...).
Après une douzaine de kilomètre, où j'ai surtout couru avec des népalais équipés comme si ils partaient pour un dix bornes (short et débardeur) et un japonais qui semble déjà souffrir le martyre, nous quittons la route pour retrouver les premiers chemins dans les champs. Je ne connais pas cette partie du parcours, et, alors que le jour s'est levé, je perds une première fois la bonne trace en compagnie d'un petit groupe de coureur bien à l'image du peloton: Rob le british qui vit à Hong Kong, Drew l'australien, Marco l'italien et Yoske le japonais qui vit à Bangkok. Nous avons suivi le fléchage mais il semble nous avoir emmené trop bas. Comme je vois à peu près où est Damphus, là où nous devons aller, je fais remonter tout le monde. Nous demandons notre chemin aux habitants croisés là et retrouvons finalement la grande piste après une très courte errance. Seul Yoske m'a fait confiance jusqu'au bout, les autres perdant un peu plus de temps.
Le temps est brumeux, menaçant. Nous sommes maintenant sur une partie du parcours que je connais bien, puisque j'y suis encore passé il y a un mois, sur la reco de l'AUM. Ca commence à être plus typiquement le terrain "annapurna": des marches, des montées et des descentes. Je suis encore pas trop mal et je remonte quelques jeunes concurrents népalais, qui sont sans doute partis trop vite. Je croise aussi Deepak, qui est arrêté dans un village. La montée de Landruk à Gandruk est raide, et la pluie est maintenant là. J'y rejoins encore quelques concurrents. Des marches, des marches... jusqu'au ravitaillement du 40e kilomètre où l'on peut choisir la distance que l'on veut finalement effectué. Comme j'ai une heure et dix minutes d'avance sur la barrière horaire très stricte mise en place, je continue sur le 100 km. Fanny, qui m'a rejoint au ravitaillement, pense elle basculer sur le 70. Comme nous repartons ensemble et ratons la bifurcation possible, nous atteignons le ravitaillement du 46e kilomètres, où nous nous offrons un petit thé, pour attaquer la boucle de 20 kms qui mène à Chomrong et promet de belles difficultés.
En fait, la principale difficulté, même si le terrain est des plus accidenté, sera de trouver notre chemin. C'est quasi impossible. Pas de flèchage, et les très nombreux petits sentiers qui sillonnent ce bout de montagne sont bien difficiles pour ceux qui ne connaissent pas le coin comme leur poche. Nous ne sommes pas complètement perdus dans le sens où nous savons qu'il faut franchir la rivière Kimrong Kohla puis remonter sur la rive opposée, mais nous vadrouillons sur des sentes pas bien rapides et franchissons finalement un pont trop en amont. Nous remontons une pente raide pour finalement retrouver en haut une indication de la course, en sens inverse. Comme nous avons pendant ce temps là bien ralenti et bien discuté aussi, ce qui a rendu ce moment de flottement bien agréable au final, nous nous sentons suffisamment en forme pour faire un bout de parcours à contre-sens et aller pointer au c.p. de Chomrong. Un peu plus loin, nous rencontrons Richard Bull, le webmaster du site de la course et de Trail Running Népal, qui était un peu derrière nous jusqu'à ce que nous nous perdions, et avec qui j'ai couru l'ESR le mois dernier. Il est un peu fatigué, et nous confie ne pas s'être trop perdu grâce à sa connaissance de la langue népalaise. Il reste une petite trotte pour nous rendre à Chomrong, quelques marches bien entendu sur des dalles rendues un peu glissantes par l'humidité. La pluie s'est calmée, mais le ciel est bouché et ne permet pas de voir le décor grandiose des Annapurnas.
Nous arrivons enfin à Chomrong où nous nous offrons une bonne pause à base de thé, de pomme de terre au sel et de nouilles chinoises. Les bénévoles présents ne sont pas bien étonnés de nous voir arrivé dans le mauvais sens, et téléphonent au point de contrôle précédent, que nous n'avons pas passé à cause de notre "wrong way", pour nous pointer fictivement là-bas. De toutes façons, nous avons fait plus de chemin et perdu pas mal de temps. L'aspect compétition de l'épreuve est maintenant totalement passé au second plan. Il faut dire qu'entre ceux qui ont décidé de faire le 50kms, ceux qui court finalement le 70 kms, qui étaient des options prévues au départ, ceux qui seront dirigés vers l'arrivée à Tadapani, le prochain point de barrière horaire, et ceux qui effectueront 85 kms, c'est bien difficile de dire qui aura vraiment fait quoi en fonction aussi des très nombreux jardinages... bref, nous décidons avec Fanny d'aller à Tadapani puis de rejoindre Birethanti par le chemin le plus court, en repassant donc par Gandruk. Nous n'aurons d'ailleurs guère le choix avec les barrières horaires imposées. Le soir arrive aussi tout doucement et le temps n'est pas au beau fixe.
C'est cependant en bonne forme et avec un bon moral que nous repartons, il n'y a vraiment rien de grave.
J'ai prévenu Fanny, la montée à Tadapani est interminable. Une longue portion de forêt, bien agréable, et un village qui ne se découvre qu'au dernier moment. Nous y arrivons à la tombée de la nuit. Le ravitaillement a disparu: nous finissons par trouver dans un lodge un des coordinateur: tout le monde est parti il y a une heure, après le "cut", alors que les préposés devaient justement diriger tout le monde dans une direction ou l'autre selon l'horaire... On nous conseille de rester dormir sur place, mais nous préférons repartir vers l'arrivée. Ca n'est pas si dangereux que ça, même si avec la pluie qui vient de reprendre vraiment forte, les dalles et le terrains sont bien glissants. Nous formons maintenant un trio avec un coureur japonais qui a du faire à peu près le même parcours que nous et qui semble tout content de nous trouver car il n'était pas bien rassuré de s'aventurer seul la nuit sur les chemins népalais, en cherchant son chemin.
Après une descente assez abrupte dans la forêt, nous atteignons à nouveau Gandruk et bifurquons un peu plus loin vers Birethanti. Les hôteliers à qui nous demandons le chemin, plus pour se faire confirmer la direction que parce que nous sommes perdus, nous disent tous qu'il faut rester dormir chez eux et nous indiquent des temps de marches affabulateurs pour atteindre l'arrivée. Ca reste certes une bonne marche mais ce n'est plus si loin. Nous essuyons une bonne saucée et discutons moins... Fanny a froid, notre ami japonais semble surtout se concentrer pour nous suivre, à moitié rassuré, et je commence à trouver que ça suffit pour aujourd'hui, même si la fatigue n'est pas encore écrasante. A force de trottiner et de marcher vite, dans l'obscurité, nous nous rapprochons de Birenthanti. La piste sur la fin est assez roulante, en pente douce, mais le sol, comme nous, est trempé. Nous atteignons enfin l'arrivée, presque sous le coup de 22h et après tout de même 16h30 de course (pour en gros 90kms) presque cachée dans ce village pas vraiment accueillant. Roger Henke, le directeur de la course, nous accueille avec joie et un peu de soulagement: trois de plus à la maison! Christophe est là: il a terminé 6e du 100km, après s'être bien perdu lui aussi. C'est d'ailleurs le dernier à en terminer et nous devons être les suivants dans l'ordre des arrivants de l'épreuve... Les autres ont tous bifurqué ou dorment dans des lodges sur le parcours. Mais bien sûr les organisateurs sont inquiets... Laurence et Bertrand, qui sont arrivés très tôt en raison de la blessure de ce dernier, attendent le retour de Claudine, la 3e française du groupe, dont nous n'avons guère de nouvelles: elle a sans doute continuer sur le 100km, et il y a toutes les chances pour qu'elle se soit perdue elle aussi. Leur voyage est une suite de contre-temps et de surprises plus ou moins agréables, mais ils prennent les choses du bon côté et vivent finalement, apparemment, un voyage agréable.
Après une nuit encore assez courte nous accueillons les derniers rescapés, dont Claudine qui après s'être bien perdue a dormi à Jinua (le point de ravitaillement que nous n'avons pas trouvé avec Fanny, au pied d'un pont en aval de celui que nous avons franchi avant d'atteindre Chomrong, pour ceux qui essaient de suivre!). Elle est toute pimpante et finalement contente de son escapade: elle a eu droit à une douche chaude, les habitants lui ont prêté des vêtements (elle est revenue habillée "locale") et elle a préparé des momos avec la maîtresse de maison! Tout le monde aura donc vécu une expérience particulière sur cette course, qui reste une illustration de la difficulté d'organiser avec des moyens locaux dans certains pays... j'y reviendrai.
Mais bon, au final, malgré toutes ces difficultés, ces imprévues, ces erreurs d'organisation aussi, cet Annapurna 100 restera un bon souvenir et une aventure inédite, et individuelle, pour chacun. Cela valait bien les quelques douleurs qui nous assaillent tout de même aujourd'hui après ce périple!