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La suite en fait, je la tiens d’un bon ami qui était sur les lieux, au moment où le maire est arrivé et qui ne l’a pas quitté tout au long de la “crise”. Cette personne fait partie de l’entourage rapproché de Monsieur le maire, aussi vous comprendrez pourquoi je ne divulgue pas son nom, ni sa fonction…c’est que je ne veux pas le mettre dans une situation délicate, vu la gravité des faits et le scandale qui aurait pu découler d’une simple fuite d’eau. Tout ce qui suit n’est que vérité : les faits se sont déroulés tels que je vous les confie.
Quand le maire est arrivé sur les lieux du sinistre, les journalistes de l’Union, déjà sur place, piétinant dans la cour du Château depuis un bon quart d’heure déjà, se ruèrent sur lui avec précipitation. Ils grimpèrent avec l’élu les marches du perron.
— Monsieur le maire, une déclaration ! Que comptez-vous faire pour mettre à l’abri les précieux trésors de notre musée ? Pensez-vous qu’il y ait des dommages considérables, vu l’importance du sinistre ?
Le maire pressa le pas, bien décidé à échapper aux questions incisives de ces journalistes toujours avides de se mettre quelque chose sous la dent et qui auraient tôt fait de transformer ses propos. Brefs et précis, tels devaient être les mots à employer pour rassurer avant tout. A tout prix, éviter les gros titres alarmistes de la une du lendemain. Avec ses journaleux, il fallait s’attendre à tout !
— Ecoutez, je ne ferai aucune déclaration pour le moment, n’ayant pas encore découvert l’ampleur des dégâts, si dégâts il y a ! Tout ce que je peux vous assurer pour le moment, c’est qu’il n’y a aucune crainte à avoir concernant les objets précieux qui sont conservés à l’abri dans des caisses étanches ! Pour le reste, nous déciderons des travaux de réfection en fonction des dégâts causés, si vous voulez bien me laisser aller constater ! Veuillez m’excuser, Messieurs, mais il y a urgence !
Il se fraya un passage, faisant signe qu’il n’en dirait pas plus et emprunta l’escalier en colimaçon qui descendait dans les sous-sols du Château Perrier.
En débouchant dans l’espèce de cave qui abritait les trésors de la ville, il chancela en découvrant la catastrophe, mais n’en laissa rien paraître.
Balard n’avait rien exagéré dans ses propos !
Les pompiers avaient réussi à arrêter les flots qui jaillissaient de plusieurs conduites d’eau éclatées, mais malheureusement n’avaient pu éviter à temps l’ampleur de l’inondation. L’eau montait jusqu’à presque un mètre de hauteur le long des murs.
Des caisses en bois étaient noyées sous la masse d’eau, d’autres encore, dans l’urgence, étaient en train d’être empilées les unes sur les autres, d’autres flottaient littéralement comme des coques de noix trop légères.
Le maire releva ses jambes de pantalon au-dessus du genou et avança dans l’eau aussi vite qu’il put. Le capitaine des pompiers lui serra la main.
— Ah, Monsieur le maire ! Je disais justement à vos adjoints que ce château a décidément besoin d’être rénové : plus aucune installation n’est aux normes ! Aujourd’hui c’est l’inondation due à des conduites d’eau hors d’usage, demain cela risque fort d’être l’incendie provoqué par un court-circuit inéluctable, vu l’installation vétuste de l’électricité ! Heureusement que cet établissement a été fermé au public ! Il va s’écrouler votre château !
Le maire se contenta de hocher la tête d’un air entendu et sourit poliment. Nerveusement, il chercha Joffrin du regard et l’aperçut en grande discussion avec Balard et le conservateur du musée.
— Je disais aussi à vos adjoints qu’il serait préférable de déménager toutes ces caisses afin de les mettre à l’abri des eaux. Je proposais nos services pour vous donner un coup de main. Des pièces inestimables risquent d’être endommagées, il faut faire vite !
Pour couper court aux propositions aimables du capitaine des pompiers, le maire s’empressa de répondre :
— oui, oui, bien sûr, c’est évident…Nous allons prendre rapidement des dispositions, vous pensez bien ! Merci de nous proposer votre aide, mais les services techniques de la ville mèneront fort bien l’opération.
Il se dirigea promptement vers le trio qui conversait à voix basse. Serrant la main du conservateur, il afficha un sourire de circonstance et souffla entre ses dents, discrètement :
— Pas un mot de trop, pas de fuite, sinon c’est le scandale assuré ! Nous devons rester maîtres de la situation en toutes circonstances ! Ne répondez pas aux questions ! Soyez évasifs et rassurants. Balard, débarrassez-nous des journalistes qui attendent à la sortie. Vous Joffrin, prenez congé des pompiers et des employés des eaux. Quant à vous, Boissière, inventez n’importe quoi, mais ne laissez personne toucher à ces caisses, dussiez-vous coucher à côté ! Vous en êtes le conservateur ! Je vais réunir le plus vite possible une cellule de crise. Joffrin, rassemblez le conseil municipal au complet pour 18 heures précises !
Balard, cessez de faire cette mine catastrophique, bon sang ! Ras- ssu-rant…vous devez avoir l’air rassurant ! Les pièces du musée n’ont pas été endommagées, tout va bien !
(Vous voulez continuer? Alors la suite, c'est juste en dessous... )