Magazine Régions du monde
Feux d’artifice, pétards, embrassades avec des « Happy New Year » en levant son verre de Pepsi ou son thé aux épices et en cachant sa chope de faïence remplie de bière car le restaurant n’a pas la licence pour. Ouf ! je peux partir de cet enfer sonore où seules les jeunes Indiennes semblent vraiment s’amuser avec des chansons Bollywood aux gestes stéréotypés ou du pur rock indien. Elles semblent toutes bien s’amuser en tortillant du bassin. C’est là où je me rends compte que je vieillis. Une seule envie, fuir au plus vite la sono mal réglée et mise au maximum pour préparer une nouvelle génération de sourds. Le buffet, chilli (piment rouge) à volonté est visiblement préparé pour les Indiens alors que les Occidentaux sont majoritaires et doivent se contenter pour certaines dont je suis, de riz blanc…Quand la maîtresse des lieux dans son beau sari vert demande si la nourriture est bonne et que nous répondons « trop épicée » elle vient nous fourrer dans la bouche une sucrerie douceâtre pour enlever le feu du piment. Nous nous étions donnés rendez-vous dans ce « garden restaurant » une belle petite haveli de la vieille ville du Jodhpur qui proposait une soirée de Nouvel An, buffet à volonté, musiciens et danses, avec des amis français pour le plaisir de passer ce bon moment ensemble. Mais c’était sans prévoir que les Indiens ne peuvent vivre sans bruit et sans épices. Mon amie indienne a été ravie de passer pour la première fois de sa vie la nuit du Nouvel An dans une « party » et non aux pieds de sa belle-mère et cela lui a fait de quoi raconter toute la journée à ses amis qui l’appelait au téléphone ! Les pauvres musiciens manganyars prévus pour animer la soirée, dont un qui avait participé à la tournée de Bartabas à sa période indienne, un as des «kurtal» (deux plaques de bois qui sont claquées entre elles) se sont retrouvés dépassés par la sono mise en dépit du bon sens et sans aucun respect pour leur prestation tronquée. Dommage, ils étaient bons. Mais le « manager » a décidé que ce qui était mieux c’était bruit et Bollywood. Retour à l’heure de la citrouille dans les rues de Jodhpur où les jeunes à trois sur des motos criaient à la volée des « happy new year !» plutôt sympas. Grasse matinée mais que faire d’autre que rester sous la couette quand pour la première journée de cette nouvelle année le ciel est gris et bas et si peu engageant en ouvrant la porte de la chambre qui donne sur la terrasse. J’en profite pour faire un petit cours de cuisine et préparer de « vraies » crêpes avec un œuf et du lait et me voilà dégustant deux crêpes au miel délicieuses cuites dans la poêle à chapati. Pas très orthodoxe comme crêpière… Mon amie Jayant, elle, préfère un cachet d’aspirine et se remettre au chaud. Nous passons le temps en regardant les photos du Spitzberg sur mon ordinateur, elle qui n’a jamais vu ni neige ni glacier. Puis je prépare ce dont je rêve en secret depuis deux jours : une salade de tomates et pommes de terre ! Nous partons à la chasse au trésor pour trouver un peu d’huile d’olive dans une boutique ouverte en ce premier janvier. Cachée derrière des produits de beauté et des shampoings, un commerçant nous sort fièrement une bouteille de 100 ml, une autre de 250 et un bidon métallique de 500 ml. Le luxe !Le choix se fait vite sur la qualité, de la vierge, première pression à froid, en provenance de Turquie à trois euros le quart de litre. Je peux payer cette folie pour fêter le premier jour de l’année en Inde ! Arrosée d’un filet de citron et parsemée de coriandre cette salade me comble de bonheur et Jayant trouve ça bon, même sans piment. Les agapes des fêtes indiennes ! Mais après deux mois de riz-lentilles-légumes-chapati, ça fait du bien et j’ai des rêves simples et faciles à satisfaire !