L’Auberge du 15 (Quinze), restaurant de cuisine française traditionnelle (fermé dimanche et lundi).
15 rue de la Santé, 75013 Paris.
Tél. : 01 47 07 07 45. Site Web. Page Facebook.
En quelques lignes
Une belle adresse. Original en 2011 tellement la cuisine traditionnelle française semble laissée pour compte dans les nouvelles adresses à la mode, où l’on a tendance à ressortir en ayant encore faim et sans trop savoir ce que l’on a mangé. À l’Auberge du 15, c’est clair, net et précis. Déco campagnarde et service à la russe sont dépaysants. Les prix sont élevés à la carte, mais justifiés par l’excellente qualité et la générosité dans l’assiette. Les menus (26€ au déjeuner, pour entrée+plat+dessert ou en cinq services à 68€) permettent de vivre une belle expérience à bon compte. Carte des vins intéressante.
Hit de 2011
Alain Fusion aime à la folie. Adrian Moore lui a prédit un beau succès mi mai 2011. John Talbott confirme moins d’une semaine après en lui attribuant un beau 7.0. Fin mai, le Motard de Mmmm!!! n’apprécie pas la différence de traitement! L’Express en parle début juin. Albert Nahmias en parle sur le blog de Pudlo début juin. Le FigaroScope en parle trois fois en 2011 : mi juin (3 cœurs), puis deux fois en décembre : bonnes tables au chaud, et meilleures tables de 2011 (bon chic bonne gueule). Alexander Lobrano lui décerne un B- mi-juin, se demandant quelle clientèle était ciblée. Interview dans Bonjour-Paris. Alain Neyman en parle à nouveau, cette fois sur la Radio du Goût. Expérience mitigée sur Gout de News.
Patricia Wells en parle fin septembre. En octobre 2011, Télérama lui décerne trois T et un Bravo! Fin 2011, Raids-Pâtisseries nous parle de leur tarte au citron meringué, puis de leur Poire Belle Hélène. Bruno Verjus finit par en parler en novembre 2011. L’adresse est également référencée sur Paris by Mouth. Un (très) bon avis sur laPassionduVin. 14/20 et top 10 de 2011 pour Gayot.
Une revue de presse assez complète est tenue sur leur site.
Casting et mise en situation
L’Auberge du 15 (comme le Cantal, et le numéro 15 de la rue de la Santé) a ouvert en avril 2011. La majorité des produits et le patron viennent de l’Aubrac (qui se partage entre Aveyron, Cantal et Lozère)! Attention, l’Auberge du 15 n’est pas dans le quinzième arrondissement, mais dans le treizième, pas très loin de Pont Royal ou de Denfert Rochereau, territoire assez pauvre en bonnes adresses où bien manger.
D’après ce qu’on peut lire, Nicolas Castelet, le chef et propriétaire, est passé dans de (très) bonnes maisons étoilées (dont Alain Passard, Alain Dutournier, l’Atelier de Robuchon). Il a aussi été chef au Royce (oups?), à l’Atelier des Compères, au Renoma Café, et dernièrement, c’est lui qui a lancé le Ralph‘s de la boutique Ralph Lauren du Boulevard St Germain. Une tentative de rédemption par un retour aux sources après plusieurs saisons passées dans des établissements branchés, mais pas forcément très gastro?
Florent Castelet, son « petit » frère (lui aussi formé et entrainé dans de beaux endroits, dont Guy Savoy et le Bristol), est chef pâtissier.
Enfin, l’animation et le service en salle sont assurés par Maxime Duteil « haut chic, bas choc« .
À l’Auberge du 15, ce sont des produits de grande qualité qui sont mis en avant, à travers des recettes et préparations d’esprit traditionnel et à priori simple.
La lecture de leur carte en ligne révèle un menu déjeuner entrée+plat+dessert à 26€. Un menu dégustation en 5 services est proposé à l’ensemble de la table pour 68€/personne. À la carte, l’entrée du jour est offerte, et deux alternatives se présentent : jambon basque d’Ospital « Ibaïona » à 12€ ou, des huîtres Belon à 25€/personne. Six choix de viandes ou volailles 28-59€/personne, dont quatre qui sont à partager à deux. Niveau poisson, ils proposent actuellement une sole à 50€/personne. Fromages à 9€/personne et desserts de 9 à 16€/personne (dont la charlotte à partager à plusieurs).
Forcer le destin
J’avais lu pas mal de bons avis sur l’Auberge du 15, mais son emplacement et la concurrence ne jouaient pas en sa faveur. Les impressions très positives de Louise et Alain lors d’un déjeuner chez Maxan (autre bonne table rét-bo : rétro-bourgeoise) font alors remonter l’Auberge du 15 dans la liste. Alain le malin ne fait pas les choses à moitié et le geste n’est jamais loin de la parole chez lui. Une date de diner à l’Auberge du 15 est donc choisie en fonction des contraintes des uns et des autres. Ce sera le soir des dernières sorcières de 2011, vendredi 16 décembre.
Le soir-S (on dit bien le jour-J!) nous confions A à sa grand-mère paternelle, attrapons un bus devant la mairie du Xe et nous laissons conduire jusqu’à Port Royal. Nous longeons l’hôpital Cochin (où nous avions passé quelques heures peu agréables quelques semaines plus tôt), arrivons enfin rue de la Santé. Alain finit de se garer et nous entrons ensemble à l’Auberge du 15.
Cadre rustique et net
Une belle et grande table carrée, installée juste en face de la cuisine, nous attend. La décoration de la salle, plus intime en vrai que dans l’idée que je m’en faisais, est volontairement rétro-province, mais sans le côté kitsch, désuet ou navrant. Mention spéciale à la cheminée dans les WC. Pas mal d’espace entre les tables, pour un service fluide et pour ne pas devoir subir la conversation des tables voisines. Nous avons une belle vue sur la cuisine. Premiers convives arrivés, nous avons l’occasion de discuter un peu avec les chefs.
Apéro
Alors que Louise et Fabien (voisin, pour une fois) arrivent, petits radis, sel et beurre, puis jambon Ibaïona d’Ospital, nous sont servis, avec une coupe de champagne. Une belle façon de nous souhaiter la bienvenue et de nous mettre en condition. En lisant la carte, nous décidons de laisser les chefs décider pour nous, menu dégustation à 68€/personne pour nous cinq. Louise, Fabien et moi leur laisseront le soin de proposer du vin au verre pour accompagner les plats (nous étions en fin de semaine fatigante pour moi, donc je n’ai pas pris de notes, mais nous avons eu droit à du blanc de Bourgogne, du blanc de la Loire, du Côte du Rhône rouge et, il me semble, un rouge de Bourgogne). Très bon pain frais-tiède.
[Faire défiler] 12►Service à la russe / française
Alors que le service à l’américaine (l’assiette arrive directement dressée de la cuisine) permet à certains chefs d’exprimer leurs talents de Picasso (ou pique-assiette), parfois à la noix, c’est le service à la russe qui est en vigueur à l’Auberge du 15 (avec ou sans guéridon, notre table étant assez grande pour s’en passer). La majorité des plats et dessert arrive à table sur un grand plat, et est présenté aux hôtes. Puis vient la coupe/découpe sur place, la plupart du temps par Maxime, le flying maitre d’hôtel, quelque fois en cuisine quand c’est trop complexe ou salissant. L’assiette est enfin servie et déposée devant chaque convive. Généralement, le grand plat n’est pas terminé après le premier tour, et il reste donc des ressources et des réserves pour qui en souhaite plus. Le re-service devient donc à la française si l’on se sert soi même, ou reste à la russe si Maxime ou la jeune serveuse interviennent…
Première étape : Velouté de potimarron ++
Assiettes à soupe, avec au fond, du foie gras, des noisettes et une boule/quenelle de crème, en rang. Maxime arrive avec sa soupière et commence sa distribution de velouté de potimarron. Classique, bien sur. Une recette indémodable dès que l’automne et le froid arrivent et que le jour se contracte. Très bon goût, chaud, mais pas trop, avec un bel effet de textures (liquide, onctueux, fondant, croquant…) grâce aux trio initialement disposé dans l’assiette. Allez, le voyage a commencé, le train a déjà quitté Paris.
Deuxième étape : sole petit bateau d’anthologie
Les jolis et pas petits poissons plats se laissent découvrir en deux étapes. En filets entiers, puis découpés et servis. Le poisson est tout simplement extra (pour un plat à 50€/personne à la carte, c’est bien la moindre des choses). Le beurre blanc citronné, apporte une touche de fraicheur et de légèreté surprenants (pour une sauce au beurre!). Ce plat est une preuve de plus que rien ne vaut du classique impeccable. Vous avez compris, la deuxième étape était sur un petit bateau breton.
Troisième étape : gigot d’agneau de lait, aligot
Ou, plus exactement, deux gigots d’agneau. Vous savez, le gigot, comme ce qu’Obélix avale en deux bouchées. Pour Obélix, c’est du gigot de sanglier, bien sur, mais en revoyant les deux belles pièces dans leur plat, cela me fait penser au gros copain d’Astérix. Sans doute l’ambiance de franche camaraderie et les pierres au mur qui m’évoquent ces images de village gaulois. L’aligot file comme il se doit et est servi adroitement par Maxime.
À l’arrivée, on est bien dans le centre de la France, en Aubrac. Inutile de chercher des mots pour décrire l’aligot, cette photo parle toute seule. L’agneau est cuit comme il faut et de façon uniforme, pas de morceau plus ou moins rosé que les autres. Une belle régularité qui sublime ce pauvre petit animal (qui ne sera pas mort en vain). Même en voulant rester raisonnable, j’ai du mal à m’empêcher de me resservir…
Quatrième étape : soufflé au Grand Marnier de grand standing
Place au sucré maintenant. Après avoir apprécié les qualités du grand frère Castelet, voyons voir de quoi le cadet est capable. Le soufflé au Grand Marnier, avec sa boule de sorbet à l’orange sanguine, aurait pu être servi directement à chacun. Le mode opératoire est le même qu’à l’atelier de Robuchon : on apporte la bête, on ouvre une partie de sa tête pour y glisser la boule de glace ou sorbet. Mais c’est plus spectaculaire avec un peu d’animation, n’est-ce pas Maxime? Le soufflé tient tellement bien que le sorbet ne tombe pas tout de suite au fond [photo]. L’attente fait monter la pression : le soufflé sera-t-il à la hauteur? La réponse est oui, sans problème. Oanèse le trouve plus réussi que celui à la Chartreuse de l’Atelier de Robuchon. C’est vrai qu’il est extra. Belle tenue, texture impeccable, généreux. Bravo!
Nous goûtons aussi la fameuse tarte au citron meringuée, en petite portion. Très bonne, harmonieux mélange de finesse et de force. Mais c’est difficile de passer après LE soufflé!
Cinquième étape : poire belle Hélène
Je n’étais plus dans les meilleures conditions pour apprécier la poire Belle Hélène à sa juste valeur. M’étant copieusement resservi lors des trois premières étapes de salé, je n’étais plus très loin du point de satiété (j’ai du le dépasser pendant le soufflé). La Belle avait pourtant tout pour me plaire : belles formes, agréablement apprêtée, maxi chocolat noir… C’était très bon, mais quand c’est trop, c’est trop. Dommage, je suis donc passé un peu à côté de ce grand classique – pour cette fois. Un peu frustrant, mais cela donne envie de revenir pour faire mieux la prochaine fois!
Bilan
Une très bonne soirée, grâce à la bonne compagnie, bien sur, et aussi grâce à l’accueil, aux très bons produits impeccablement préparés et mis en valeur. Merci!
L’Auberge du 15 n’est peut être pas le meilleur endroit pour draguer, mais c’est une excellente adresse en famille, entre amis. J’ai été invité par Alain (un grand merci, pour la découverte, l’organisation et l’invitation!). Le menu en cinq services est 68€, en ajoutant le vin on doit facilement arriver à une centaine d’euros par personne. C’est loin d’être une petite somme. C’est même un beau budget, comparable à un Comptoir du Relais, à Spring (des adresses à personnalité et à histoires que j’aime bien), où l’on peut s’évader le temps et changer complètement d’ambiance et d’atmosphère (sauf que les réservations sont, pour l’instant, plus simples à l’Auberge du 15). Pas à refaire pour tous les jours donc, mais de temps en temps, pour une belle et bonne occasion, comme un anniversaire ou un repas en famille ou entre vieux amis. Dommage qu’ils ne soient pas ouverts le dimanche au déjeuner!
Rédigé par chrisos