Magazine Culture
Journal d’un mythomane
Chroniques. Vol. 1
Préface de Régis Jauffret
Editions Robert Laffont (312 pages. 19 €)
Présentation : Déjà dramaturge, metteur en scène et comédien, Nicolas Bedos a agité le petit écran pendant plusieurs mois avec sa « semaine mythomane », moment fort dans l’émission de Franz Olivier Giesbert Semaine critique… Cet ouvrage réunit donc toutes ses chroniques télé, y compris celles, antérieures, qu’il a faites sur Oui FM ainsi que les nouvelles qu’il a écrites pour L’Officiel de la Mode.
Mon avis : Il a tout prévu, le bougre, en titrant son bouquin Journal d’un mythomane. Ainsi étouffe-t-il dans l’œuf toutes les critiques qui se auraient inévitablement pris pour angle cette formidable hypertrophie de l’encéphale qui envahit la moindre de ses chroniques. Difficile dès lors de la lui reprocher puisqu’il la revendique… On ne va donc pas lui intenter un quatorzième procès pour cette forfanterie démesurée, cette autosatisfaction permanente ce nombrilisme assumé. Ni même d’ailleurs pour Fog et usage de FOG…
En revanche, il est bon de s’attarder et sur la forme et sur le fond de cet ouvrage. Ce qui s’en dégage à la première lecture, c’est la grande qualité de l’écriture. L’homme sait manier la plume. Il a du style. Il est évident qu’il aime les mots. Il les aime même tellement qu’il a tendance à se complaire à les empiler pour en faire parfois des phrases interminables (à sa décharge, il faut toujours garder en tête que ces chroniques ont été faites d’abord pour être dites à l’antenne et non pour être lues). On sent que chacun de ses billets, qu’il ait été lu à la télévision ou à la radio, ou écrit dans un magazine, fût-il de mode, ont été polis à l’extrême. Même si leur contenu, lui, l’est bien moins, poli.
La deuxième évidence qui m’est apparue c’est que, sous ses dehors hâbleurs et sûr de lui, ce garçon est pétri de paradoxes. Par exemple, alors qu’il se conduit en caustique, il ne cire pratiquement jamais les pompes de qui que ce soit. Ensuite, tout autant qu’il s’acharne sur les autres, il n’hésite jamais à se moquer de lui-même. Il le fait sans complaisance aucune, ce qui, encore une fois, le met à l’abri de tout reproche de méchanceté gratuite… Il est indéniable que Nicolas Bedos est très compliqué. Dans sa tête, ce n’est pas de tout repos. En dépit d’une outrecuidance plus ou moins feinte et d’un incontestable contentement de soi, on sent percer en lui les pointes rouillées du doute, les aiguilles acérées de l’angoisse (ainsi, coquetterie toute masculine,sa séparation d’avec ses cheveux ne se fait pas du tout à l’amiable. Il aimerait bien les retenir un peu plus longtemps sur son crâne fécond). Il ne se fait aucun cadeau. Aussi maso qu’il est mytho, il adore se flageller, se vautrer dans ses turpitudes. Il dénonce lui-même son « esprit caustique de libertin foireux ». Devant une telle franchise, faudrait-il encore le piétiner avec des hauts talons de douze centimètres ? Que nenni. Il faut prendre ce Bedos-là avec son paquet de contradictions et son indéniable talent. Il est en effet bien plus proche du Père Fouettard que de Saint Nicolas, son patron.
Journal d’un mythomane est un pavé de 300 pages qu’il jette dans la mare (et parfois dans le Marais), faisant un gros plouf dans le PAF, en jouissant visiblement des éclaboussures qu’il provoque. Tout au long de ce bouquin empli de name dropping, on croise régulièrement ses têtes de Turc préférées : Nagui, Mathilde Seigner, Jean-Luc Delarue (celui d’avant la maladie), Arthur, Laurent Gerra, Nadine Morano, Franck Dubosc, Marc Lévy, Eric Zemmour, Jean-François Copé…). Il revendique tout aussi franchement ses amitiés pour Benjamin Biolay, David Foenkinos, Michel Denisot, Thierry Ardisson, Fabrice Luchini, Frédéric Begbeider, Edouard Baer…De même avoue-t-il être totalement druckerophile ; et surtout, il n’hésite jamais à afficher son admiration, son estime, sa tendresse et son amour pour ses géniteurs dont, bien sûr, le sieur Guy.
Bref, ce livre ne se réduit pas qu’à un brillant exercice de style (s). Il y a beaucoup de fond. Personnellement, ma chronique préférée dans le chapitre FOG (Franz Olivier Giesbert), est celle intitulée « La réforme des retraites ». De même j’ai trouvé particulièrement astucieux l’angle sur lequel il s’est appuyé pour évoquer Marine Le Pen… Mais, en définitive, là où j’ai trouvé que sa plume excellait, c’est dans les chroniques qu’il avait réalisées pour Oui FM. Son papier titré « Nicolas Rey » en est, à mon goût, le plus abouti.
On prend donc énormément de plaisir à se laisser emporter par les délires, les élucubrations, les digressions, la perfidie, les comparaisons osées, les explications très imagées, les excès, la mégalomanie d’un authentique auteur. Même si on se prend parfois à regretter de ne pas l’entendre nous les dire. L’ironie du ton et le sourire dans la voix permettant souvent de gommer un effet que l’on aurait tendance à trop prendre au premier degré durant la lecture… Là, c’est moi qui fait le mythomane… pour avoir du son.