Aujourd'hui, j'ai été très gentiment invité par deux autres professeurs de français (Laura, une écossaise, et Pervin, une française) à aller voir "Elizabeth, the golden age". N'ayant pas encore
confronté mon oreille à l'anglais des salles de projection, et étant finalement assez peu sorti depuis mon arrivée en Angleterre, j'accepte bien volontiers et rendez-vous est pris. C'est Pervin
qui se chargera de nous donner un "lift" (comprenez : "nous emmener en voiture") sur les coups de 17h30 (le film commençant un peu avant 18h, nous aurons le temps d'acheter nos billets et nous
installer). Parfait. Donc, après une journée de cours éprouvante (dur métier que celui de prof ! :p ), Pervin arrive au 2 Linden Road. Mais à 17h45 (elle avait pris la peine, dans le courant de
l'après-midi, de me dire qu'elle n'était jamais à l'heure). Et il faut encore passer prendre Laura ! A travers les rues embouteillées de Bedford, nous nous lançons dans une folle aventure pour
récupérer Laura qui s'énerve déjà sur le téléphone portable de Pervin. Je découvrirai en outre que Pervin éprouve quelque difficulté à parler et conduire en même temps ("ohhh merde !! i'm sorry !
i'm sorry" s'exclama-t-elle après avoir estimé qu'il était inutile de laisser la priorité à un véhicule dans son bon droit). Sacrée Pervin !
Nous arrivons finalement vivants au cinéma de Bedford, le fantastique "Cineworld". Le film est commencé depuis 3min. Qu'à cela ne tienne, nous n'avons probablement raté que le générique. Au bout
de quelques secondes, premier constat : le son est mauvais. Un léger écho m'empêche de fait de comprendre certains passages, mais, dans l'ensemble, j'arrive à suivre (l'accent anglais n'est pas
l'accent américain !). J'avais entendu dire de ce film qu'il n'avait absolument aucune distance historique, qu'il édifiait la reine Elizabeth en pur concentré de figure héroïque (genre Spiderman
en robe, diadème et perruque rousse) et l'Angleterre en royaume fier, puissant et conquérant (cet aspect du film étant, je le précise, vu comme une grande qualité par le critique qui le mettait
en avant : c'est que l'Angleterre, d'un point de vue tant historique que cinématographique, manque de vrais "héros" !!!). Et je dois dire que c'est totalement vrai ! Il ne s'agit guère ici de la
grande "fresque" attendue ; ne nous sont servis que les intrigues amoureuses (/ foireuses) de la super-forte-et-belle-"reine vierge", ce sur fond de victoire ultra-classe contre l'Armada
espagnole. Clive Owen, l'acteur jouant la déception amoureuse de la reine, avec ses dents trop blanches et sa gueule de magazine, est complètement "out of place" dans cet univers qui oscille
entre mystère et majesté. On pourra aussi noter que si Elizabeth, auréolée d'un charisme que nourrit une vraie recherche esthétique (notamment sur les couleurs), ressemble à un ange, une déesse,
voire la Vierge elle-même, le roi Espagnol est, de son côté, présenté comme un petit être sombre, malingre, incarnation de la colère et de l'égarement religieux... La fin du film enfonce le clou,
en précisant, via une petite note, que le désastre de l'Invincible Armada est la défaite "la plus humiliante" qu'ait jamais connue l'Espagne dans toute son histoire... Je me réjouis que Gemma ne
soit pas venue voir le film avec nous ! Un tel acharnement tient de la caricature. J'avoue ne pas comprendre... y'a-t-il eu un problème récent avec l'Espagne ? Ou le manichéisme est-il décidément
la seule façon cinématographiquement viable de constuire un héros ?