Cliché I. Rambaud
Après avoir quitté la Hollande, Candide arriva dans une petite ville de France appelée Fontainebleau. C’était un dimanche, doux et lumineux.
Pleurant encore les malheurs arrivés à sa tendre Cunégonde, il se sentit ragaillardi de voir les belles maisons qui s’élevaient de chaque côté de la rue principale, les hautes façades, les grandes fenêtres. L’ordonnancement et l’harmonie qui s’en dégageaient prouvaient bien que la ville avait été construite par les meilleurs architectes, pour les meilleurs des hommes.
Il s’étonnait pourtant de ne pas voir beaucoup d’habitants. Seuls quelques cabarets servaient à boire sur les terrasses.
Tout à coup, passant devant un grand bâtiment surmonté d’un dôme, il fut bousculé par un grand nombre de personnes avec de nombreux enfants qui en sortaient tout en parlant fort. Tous bien habillés, la plupart en bleu marine, certains un livre à la main.
Il crut que c’était une bibliothèque. Pangloss, qui l’accompagnait toujours, le détrompa : « Mais non, c’est une église. Ces habitants s’appellent des « Paroissiens» et y viennent tous les dimanches rendre grâce à Dieu d’habiter le meilleur des mondes ». Candide en fut tout réjoui.
Un peu plus loin, il découvrit un petit château, pavoisé d’oriflammes et de guirlandes. Il crut que c’était le château du seigneur.
« Mais non, lui dit Pangloss, c’est la Mairie, qui est la maison du Peuple ».
« Quel pays merveilleux, répondit Candide. Le Peuple habite un palais… ». Mais l’idée du palais lui fit penser à Cunégonde et il se remit à pleurer.
Pangloss l’entraîna un peu plus loin, là où il y avait un marché très riche et bien fourni. A tous les angles de la place, des hommes et des femmes par groupes de trois ou quatre donnaient des gravures aux passants.
Candide crut que c’étaient des libraires qui offraient leurs plus belles images.
« Mais non, lui dit Pangloss, ce sont des "Militants" ». « Ah oui, dit Candide, "Les chevaliers de l’image "...Pangloss fut obligé de le dissuader encore une fois : ces " Militants" distribuaient les programmes de ceux qui voulaient diriger le Palais du Peuple et qu’on appelait des "Candidats ".
« Les habitants choisissent d’après les images et les déclarations des "Candidats" et ils votent pour ceux qui leur plaisent le mieux. Le Candidat qui a le plus de voix devient le Maire ». Candide en fut tout heureux et se demanda s’il ne serait pas, lui aussi, un bon Candidat. Son nom suffirait à convaincre. Il n’aurait même pas à faire imprimer des estampes ! Il deviendrait Maire et tous les habitants seraient heureux.
Pangloss ne répondit pas et laissa Candide à sa rêverie.
Continuant leur route, ils arrivèrent devant un immense château avec une grande cour et de belles grilles dorées. Le coeur de Candide battit plus fort. Il crut voir le château du baron de Thunder-ten-tronckh et l’image de Cunégonde lui apparût à nouveau. Il fondit en larmes. Le château de Fontainebleau
Pour le divertir, Pangloss lui dit que c’était le château de « la Fontaine à Bliaud » :
« Bliaud était un chien qui cherchait à se désaltérer au cours d’une chasse. Il trouva une source et ses maîtres firent construire une fontaine, puis un relais de chasse, puis un château, puis une ville qui s’appelle donc Fontainebleau ». Candide ouvrait de grands yeux, émerveillé qu’un chien ait eu tant de puissance.
« Mais aujourd’hui, qui habite ce palais ? Un Candidat Supérieur ? ». « Personne, lui dit Pangloss. Il y a eu des rois, des empereurs, des cours avec de beaux seigneurs et de belles dames. Mais tous ont été chassés et maintenant, les descendants de ceux qui les ont chassés viennent admirer les tapisseries, les vases et les meubles qu’ils utilisaient. Il y a un nouveau seigneur qui s’appelle "Etat" et qui reçoit l’argent des visiteurs qu’on appelle des "Touristes" parce qu’ils viennent y faire un tour ».
Mais Candide n’avait point d’argent et voir le beau décor de ce château lui rappelait de trop tristes souvenirs : le merveilleux château du baron et de Cunégonde, sa belle baronnette.
Pangloss le prit par le bras et le ramena vers la ville, pensant le distraire avec l’animation de la rue.
Ils furent attirés par un violoniste assez vieux, mal habillé, qui jouait des airs tristes devant une boulangerie où les habitants faisaient la queue. Personne ne faisait attention à lui.
Candide remarqua qu’il avait une écuelle à ses pieds. Il crut que son chien l’accompagnait et qu’il ferait des tours en musique mais Pangloss lui dit que cette écuelle servait juste à ceux qui y mettaient de l’argent pour remercier le vieux des airs qu’il jouait. L’écuelle était vide.
Candide conclut que les habitants n’aimaient pas la musique et préféraient le pain.
Poursuivant sa découverte de la ville, il remarqua, dans une rue voisine, un étrange magasin qui proposait des chiens en vitrine, enfin pas de vrais chiens mais des mannequins portant des habits de chiens. Cliché R. Rambaud
Il fut stupéfait. Car, pour lui, seuls des chiens de rois ou de cirque pouvaient porter des habits, comme les chevaux qui paradent. Les autres travaillaient, gardaient les moutons, les maisons ou les palais ; tournaient la broche dans les auberges ou tiraient les carrioles.
Pangloss lui dit que dans ce pays, certaines femmes appréciaient la compagnie des chiens plus que tout et que pour leur montrer, elles leur offraient des habits et des colliers selon les saisons et la couleur des jours. Quand il pleuvait, ils avaient des cirés jaunes, en hiver des pelisses de fourrure, au printemps des manteaux de toile. « Mais, à quoi sert leur poil alors, dit Candide. On le rase ? ». Pangloss ne sut que répondre.
Candide se dit que s’il était Candidat, il ferait aussi voter les chiens puisque, dans ce pays, ils étaient plus honorés que les humains.
(D'après M. Voltaire) Merci pour votre lecture ! Thank you for reading !
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 26 mars à 14:50
Candide a finalement été candidat... http://candidecandidat.blogspot.com/