Politiciens et pseudo-économistes tiennent pour un postulat que des taux d’intérêt faibles valent mieux que des taux d’intérêt plus élevés.
Par Alain Dumait
Alors que la fixation autoritaire des prix et des salaires est désormais à peu près unanimement tenue pour inefficace (encore que de nombreux politiciens ou pseudo-économistes proposent chaque jour d’y revenir, partiellement, temporairement, exceptionnellement…), il en va différemment pour les taux d’intérêt et les taux de change.Certes, tous les économistes classiques ont déjà démontré qu’il s’agissait de prix qui, comme les autres, devaient être librement déterminés par le marché, c’est-à-dire par la loi de l’offre et de la demande. Mais rien n’y fait : politiciens et pseudo-économistes tiennent pour un postulat que des taux d’intérêt faibles valent mieux que des taux d’intérêt plus élevés, comme ils croient qu’un taux de change bas favorise les exportations et donc la production d’un pays donné.
Ces postulats ne sont pas seulement faux. Ils sont aussi très dangereux.
Commençons par l’affaire des taux d’intérêt.
On dit que le crédit abondant et pas cher permet un financement à bon compte des projets d’investissements. Le problème provient du fait que des taux d’intérêt bas financent aussi de mauvais projets d’investissement, sans rentabilité interne. Ils aboutissent à une mauvaise allocation des ressources rares qui s’appelle l’épargne. Ils financent même et surtout l’État-providence et les déficits de la sphère publique. Ils découragent évidemment l’épargne. Et encouragent la dette, si funeste.
La bulle financière où nous nous trouvons, avec ces montagnes de dettes « souveraines », ne se serait jamais formée avec des taux d’intérêt vrais. Déterminés sans manipulation.
Longtemps, on a dit que si les banques centrales étaient certes en mesure d’influencer les taux à court terme, elles n’étaient pas, par contre, en mesure d’influencer les taux longs. Ce n’est plus vrai quand la BCE prête aux banques sur 3 ans près de 500 milliards d’euros à 1% d’intérêt… À seule fin qu’elles puissent souscrire aux émissions de refinancement des États en faillite…
Et le développement cancéreux de la sphère financière s’explique aussi, pour l’essentiel, par le caractère artificiellement bas des taux d’intérêt depuis 20 ans.
Idem pour les taux de change.
Une monnaie faible (un euro à un dollar…) permettrait de retrouver de la compétitivité sur les marchés extérieurs. À l’instant « t », certainement. Mais comment se fait-il que les meilleurs exportateurs soient aussi les pays à monnaie forte, comme l’Allemagne (jusqu’à la création de l’euro) ou la Suisse ? Parce qu’une monnaie forte, outre un avantage patrimonial pour ceux qui en détiennent, est aussi un puissant facteur de créativité et de bonne gestion pour les entreprises et les économies qui refusent la facilité des dévaluations répétitives.
En vérité, taux d’intérêt et taux de change doivent être à leurs prix, ni plus ni moins. Et ceux-ci ne peuvent être déterminés que sur et par des marchés libres.