Nicolas Sarkozy a préféré ce déplacement à la traditionnelle réception des fonctionnaires de permanence le 31 décembre qu'il organisait à l'Elysée. La République vit de symboles et le candidat a besoin des siens.
Sarkozy reprend sa tournée
A Paris, 171 personnes « seulement » ont été interpelées pendant la nuit de la Saint-Sylvestre. « Sans aucun incident notoire » précisait la Préfecture. Circulez, braves gens, il n'y a rien à voir. Comme le rappelait le blogueur parisien Menilmuche, on ne comptait que 58 arrestations l'an dernier. Pour 2011, les traditionnels feux d'artifices du Nouvel An avaient été annulés.
Nicolas Sarkozy a filé à Metz, dimanche après-midi, pour visiter le pôle opérationnel zonal d’information et de coordination de la zone de défense et de sécurité Est et la préfecture de Moselle. Il débutait sa tournée électorale des voeux. Etre proche du terrain, c'est son dada électoral.
La lecture de la dernière livraison de légions d'honneur, promotion du Nouvel An, montre d'ailleurs combien Nicolas Sarkozy est proche du terrain: il a fait décorer Eric Brunet, polémiste ultra-conservateur et auteur d'un récent « Sarko va gagner »; les chanteurs Stone et Charden (sic!); François Pinault (Grand Officier) et sa bru (l'actrice Salma Hayek), Antoine Gosset-Grainville l'ancien directeur adjoint de cabinet de Fillon propulsé à la Caisse des Dépôts en 2010, quelques sénateurs UMP récemment battus (Jacques Blanc, Nicolas About, Dominique Braye); le patron du promoteur immobilier Nexity; des banquiers (comme le président des Banques Populaires Philippe Dupont, Franck Petitgas, directeur de Morgan Stanley, ou la célèbre Dominique Sennequier); la directrice d'un labo pharmaceutique; ou Monseigneur Vingt-Trois le cardinal-archevêque de Paris.
A Metz, le déplacement fut expresse. Une petite heure à peine, dont 25 minutes à discourir sur une estrade avec le traditionnel pupitre blanc. On avait tendu un large fond bleu assez artificiel dans une salle de la préfecture. Claude Guéant et Nadine Morano étaient évidemment là. Sarkozy est arrivé en retard. En sortant de la préfecture, il fut hué.
« A l'orée de cette année 2012, j'ai souhaité me rendre sur le terrain pour vous saluer et pour vous remercier ». Il lut scrupuleusement son discours. Il avait quelques formules toutes prêtes mais anecdotiques pour montrer qu'Il savait prendre des Décisions Courageuses (majuscules obligatoires). Comme sur la nomination d'un pompier, en septembre dernier, comme préfet délégué pour la sécurité et la défense auprès du préfet de la région Lorraine et de la Moselle: « Et après tout, ce qui est extravagant, c'est qu'il ait fallu attendre toutes ces années pour qu'on comprenne qu'un pompier pouvait être préfet.» Il se permit aussi quelques approximations: « les faits de délinquance ont diminué » (cf. infra). Il eut des propos plus politiques, tout aussi attendus: ainsi, il répéta qu'il voulait un service minimum dans les transports aériens, fussent-ils privés: « ce que nous avons fait pour le métro, pour le train, il faut le faire pour le transport aérien ». Pu encore, l'axe franco-allemand est « absolument fondamental ». Il invoqua implicitement les précédentes déchirures franco-allemandes. « S'il y a une région où je peux dire cela en étant sûr d'être compris, quelque soit vos sensibilités politiques, c'est ici. La paix et l'amitié avec l'Allemagne, c'est un patrimoine que les générations nous ont donné (...). Il y a la politique, et puis, il y a la France, ses intérêts supérieurs ». Sarkozy aime bien nous rappeler l'Histoire. Il espère en faire partie.
Il a promis des « mesures extrêmement importantes ». Pourquoi attendre deux ou trois mois avant le scrutin présidentiel ?
Une quinzaine de minutes plus tard, c'était fini. Son programme de la semaine est faussement chargé. Il sera mardi en Bretagne à l'école navale de Lanvéoc-Poulmic, jeudi dans la Vienne, vendredi dans les Vosges pour fêter le 600ème anniversaire de la naissance de Jeanne d'Arc.
Mais lundi 2 janvier, il se « repose ». L'agenda officiel est vide. Il sera tout occupé à ses conciliabules électoraux avec ses quelques proches.
La diversion étrangère
Dans quelques jours, les premières statistiques de la délinquance par nationalité du quinquennat seront publiées par l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales dirigé par Alain Bauer.
Cette information a été révélée vendredi dernier par Arnaud Leparmentier, du Monde. Elle était annoncée en décembre par l'ONDPR dans son dernier bulletin mensuel. L'Observatoire rappelait pourtant les consignes de l'INSEE: «L’Insee interrompt ses publications pendant les périodes de réserve électorale, à l’exception des publications conjoncturelles régulières ». Le début de cette période d'abstinence statistique n'était pas précisé, mais on peut deviner qu'il coïncidera, au plus tard, avec le dépôt des candidatures à l'élection présidentielle, soit le 16 mars prochain.
Alain Bauer précisa alors que l'ONDPR se dépêcherait de publier avant le début de cette période électorale, et après validation par le conseil d’orientation qu'il préside (sic!), les études suivantes: « les ménages victimes de retraits frauduleux sur le compte bancaire », « le profil détaillé selon le sexe, l’âge et la nationalité des personnes mises en cause par la police et la gendarmerie pour crimes et délits non routiers » (une mise à jour détaillée d’un document diffusé en 2006, le GA...) ou encore « les vols de métaux ».
La démarche est curieuse: la dernière publication de statistiques de la délinquance par nationalité remonte à ... 2006. Autant dire que l'Observatoire avait tout le temps, pour la réactualiser depuis, sans attendre 3 mois avant le premier tour.
Alain Bauer, ancien « rocardien», est devenu un proche de Nicolas Sarkozy depuis 2002. Il l'alimente en arguments statistiques, même si ses propres données ont depuis quatre servi davantage servi à l'opposition à démontrer combien Nicolas Sarkozy était inefficace en matière de lutte contre la délinquance.
La prochaine publication de statistiques par nationalité est la nouvelle la plus décisive de ce début d'année. Le signe que le candidat n'a pas abandonné l'idée d'instrumentaliser l'argument immigration=insécurité, malgré l'échec du discours de Grenoble. En août 2010, Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, avait surpris tout le monde, jusqu'à l'ONDPR lui-même, en dévoilant des chiffres relatifs aux crimes et délits prétendument commis par des immigrés d'origine roumaines...
Opportun vacarme
Il s'agit aussi d'une diversion évidente, un vacarme provoqué pour éviter de s'attarder sur le véritable bilan insécuritaire de Nicolas Sarkozy. Les derniers chiffres, de décembre 2010 à novembre 2011, étaient à nouveau mauvais: 468.413 violences aux personnes (soit environ 4000 agressions supplémentaires, ou 10 par jour...). Depuis novembre 2005, la hausse est d'environ de 50.000 actes par an... L'ONDPR précisait que cette augmentation était due « à un phénomène concernant les violences physiques crapuleuses » et les violences sexuelles sur majeurs (+289 actes en un an).
Plus récemment, la publication, par le Monde, de l'inégale répartition des forces de l'ordre à Paris avait choqué. François Fillon et Claude Guéant venaient de lancer officiellement un plan d'équipement de 1.000 caméras de vidéosurveillance dans la capitale. La belle affaire ! En deux ans, « 400 postes ont disparu à Paris, sur environ 6 400 ». Mais surtout, l'adjointe au maire de Paris chargée de la sécurité et de la prévention Myriam El Khomri, avouait avoir « le sentiment que les quartiers populaires ont été particulièrement touchés ».
Effectivement, les quartiers les plus populaires, même quand ils sont soumis à de très fortes fréquentations (comme le 10ème arrondissement avec les gares de l'Est et du Nord) apparaissent moins dotés que les plus bourgeois du centre-ville.
Ces premiers jours de janvier, l'année 2012 commençait donc fort. Le candidat inavoué allait parler à nouveau insécurité et immigration.