1975. Alors que le jazz se trouve en pleine période fusion et que beaucoup de groupes succombent avec plus ou moins de
réussite à l'appel de ce mouvement, McCoy se consacre quant à lui à continuer de faire vivre sa musique selon ses propres critères, sans se soucier des modes et des tendances. Une créativité
gagnée en partie du temps où il accompagnait Coltrane, personne ne
le reniera, mais pour moi, ce qui le rend si singulier, c'est que ce type à un son d'une richesse incomparable qui fait qu'il est capable d'organiser l'espace comme personne. Son imagination
débordante et son jeu fourni en font un pianiste facilement reconnaissable: une main gauche très lourde, des phrasés mélodiques bigarrés et chaloupés, une mise en place du rythme typique associée
à une richesse de notes sans pareil, sa musique puissante vogue sur des flots paisibles empêchant toute noyade de l'esprit.J'aurais pu commencer par vous parler de lui en citant son disque le plus connu, "The real McCoy", un modèle de
jazz que l'on ne saurait éviter, mais j'ai trouvé plus original de vous introduire ce pianiste en vous présentant son disque "Trident" publié en 1975 chez Milestone, comprenant
Ron Carter à la contrebasse et Elvin Jones à la batterie (un "line-up" qui se passe à lui seul de commentaires). Tyner y joue évidemment du
piano, mais chose très rarement envisagée pour l'époque, il utilise aussi le clavecin et le celesta sur 3 des 6 morceaux. C'est d'ailleurs la grande force de ce disque que de parvenir à susciter
l'intérêt du public alors que la direction qu'il emprunte tranche radicalement d'avec les convenances habituelles. Sur "Trident", l'ex pianiste de Coltrane lui rend hommage en interprétant une version magistrale
et ultra dynamique de "Impressions" sur laquelle l'expressivité du "drumming" d'Elvin Jones ne varie pas du temps ou lui aussi accompagnait Trane. L'ouverture au
clavecin de "Celestial Chant" est à elle seule la démonstration de ce que ce trio avait de magique lorsqu'il officiait ensemble. Le choix audacieux du mélange de ces instruments
fonctionne parfaitement; on croirait presque à du hip hop. "Land Of The Lonely" commence comme du baroque avant de s'orienter vers un blues extrème de toute beauté. La ballade romantique
écrite par Monk, "Ruby My Dear", clôture dans l'apaisement retrouvé un album qui ne se démode pas et que je vous recommande chaudement pour son originalité, sa grâce, et son flegme
impétueux. Personnellement, un de mes disques de jazz préférés.AmazoniTunesOfficiel