Quelques heures avant, un conseiller
élyséen avait fini par lâcher quelques informations sur l'ampleur du coup que Nicolas Sarkozy voulait faire sur l'emploi, le 18 janvier prochain. On en salivait presque, tout y était ou
presque. Tout ce que Nicolas Sarkozy n'a ni osé ni voulu faire depuis qu'il a été élu voici 4 ans et 7 mois: « une modulation de l’impôt sur les sociétés en fonction de la taille de
l’entreprise ; la suppression des 35 heures et une flexibilisation très forte, à la hausse comme à la baisse, du temps de travail dans les entreprises qui s’engageraient à maintenir en
contrepartie l’emploi ; un financement de la protection sociale via la CSG et la TVA pour faire contribuer plus fortement les importations et les revenus du capital à la protection sociale ; la
suppression ou le relèvement de nombreux seuils.»
Samedi 31 décembre, 20 heures, le Monarque apparut à l'écran. Au fil du
temps, il avait abandonné tout désir de paraître moderne. La crise l'avait rapetissé dans le costume finalement trop grand de ses prédécesseurs. Il était habillé en noir. On lui avait plaqué un
décor vert des jardins de l'Elysée dans le dos. Il garda les sourcils froncés. Ses cheveux avaient visiblement été teints dans la matinée.
On retrouva, ce samedi, un condensé sans surprise des arguments du moment.
Réécrire l'histoire
Nous serions passé à côté du pire, cette crise « qui en trois ans a conduit à plusieurs reprises l'économie mondiale au
bord de l'effondrement ». Une crise qui, évidemment, n'est pas de sa faute mais des trente dernières années (au moins !): « Cette crise qui sanctionne 30 années de désordres
planétaires dans l'économie, le commerce, la finance, la monnaie, cette crise inouïe, sans doute la plus grave depuis la Deuxième Guerre mondiale, cette crise n'est pas terminée ». Nicolas
Sarkozy est le perdreau de l'année...
Avec lui, tout reste possible (« nous devons, nous pouvons garder confiance dans l'avenir ») car il est sur le pont,
toujours et encore : « Mon devoir est de faire face et de vous protéger. Vous pouvez être sûrs que j'assumerai jusqu'au bout et en totalité, les lourdes responsabilités que vous m'avez
confiées et que je n'aurai de cesse d'agir au nom de l'intérêt général.» D'ailleurs, si la France a si bien résisté, c'est sans doute grâce « au courage et au sang-froid » des
Français, « à la solidité de nos institutions », « à notre protection sociale qui garantit la solidarité dans l'épreuve » (tiens, ce n'est plus de l'assistanat ? Où est passé Laurent
Wauquiez ?), mais c'est surtout grâce à lui, « grâce aux réformes que nous avons accomplies ces dernières années ». Mais quelles sont donc ces réformes qui nous ont permis de résister à
la crise ? Ami sarkozyste, aide-nous...
Il n'y a pas d'alternative sinon la catastrophe. Evidemment... « Ce qui se passe dans le monde, annonce que l'année 2012
sera celle de tous les risques mais aussi de toutes les possibilités. De toutes les espérances, si nous savons relever les défis. De tous les dangers, si nous restons immobiles. Différer les
choix parce qu'ils sont difficiles est la pire des options. Quand on décide trop tard, le prix à payer est plus cher. Les souffrances plus grandes.» Car, si en 2012, vous ne le choisissez
pas pour un second mandat... « le destin de la France peut une fois encore basculer ».
Réécrire le présent
Au passage, le Triple A, c'est pas si important que ça... « Je le dis pour que chacun l'entende, ce ne sont ni les
marchés, ni les agences qui feront la politique de la France ». Et il enchaîne avec l'incroyable: nos comptes sont déjà redressés. On se frotte les yeux. Il a dit ça ? Oui, oui. Il l'a
dit.
L'homme qui valait 400 milliards d'euros de dette supplémentaire a bien
dit: « Le problème posé n'est pas celui d'un nouveau train de réduction des dépenses pour l'année qui vient. Ce qui devait être fait a été fait par le Gouvernement. »
Rassurez-vous, le candidat Sarkozy a un projet. Il a même trois
priorités pour son prochain quinquennat: la solidarité (ne pas laisser de « côté ceux qui souffrent déjà des conséquences douloureuses d'une crise dont ils ne sont pas responsables ») et
l'emploi (« Nous devons changer notre regard sur le chômage »), le financement de notre protection sociale « qui ne peut plus reposer principalement sur le travail, si
facilement délocalisable » (bienvenue à la TVA sociale!) et - ne riez pas - « dérèglements de la finance ». Rooooooo... Nicolas Sarkozy nous sert cette soupe depuis l'automne
2008... Il en avait même fait l'objet de « sa » présidence du G20 l'an dernier...
Pour finir, le Monarque a encore « confiance dans les forces de la France.
»
Qui a encore confiance en lui ?