Le malaise institutionnel et les maux académiques dont souffre l'Université d'Etat d'Haïti (UEH) sont mortels. Ils font évaporer le prestige académique dont elle jouissait dans le temps au même titre que toute autre université du reste du monde. Ses diplômes décernés, qui auparavant étaient favorablement reçus ailleurs, subissent aujourd'hui une évaluation microscopique pour non seulement soupeser la formation académique qu'ils symbolisent, mais aussi pour détecter la fausseté de plus en plus fréquente des diplômes issus des différentes facultés de l'UEH. En effet, la formation académique inadaptée aux besoins actuels des sociétés et les méthodes pédagogiques surannées comme véhicule de transmission du savoir enlèvent toute confiance placée en elle, et les diplômes non uniformisés issus de ses facultés sont remis en question pour renforcer l'inquiétude générale. Ce qui est imputable à l'incapacité d'adaptation de l'UEH aux pratiques modernes de l'enseignement universitaire.
Etant engagée dans une course régressive sans une vision académique moderne et pratique, elle a du mal à reprendre son souffle pour remonter la pente. Ainsi, elle offre une formation universitaire au rabais à des générations successives sur une durée de cycle d'études atypique étalée souvent sur dix ans. De telles circonstances hypothèquent l'avenir des étudiants et retardent en conséquence le progrès socio-économique auquel aspire la société ayitienne depuis toujours. Persister dans cette voie risque de conduire l'UEH vers une nette disparition pour suivre le cours naturel de toute organisation qui ne se renouvelle pas. L'émergence des universités privées dont certaines s'évertuent à se créer une place dans le monde universitaire et la réticence de l'Etat à financer les activités de l'UEH rendent très probable ce triste sort sans un effort de la repenser dans ses dimensions administrative et académique.
Pour un système académique adapté
Vouloir préserver l'UEH montre la nécessité d'un autre système académique dans son ensemble tant au niveau de la structure administrative, des curricula, que de son mode de fonctionnement. Comme l'enseignement académique est une fonction fondamentale d'une université, il doit faire l'objet d'une attention soutenue pour l'adapter et répondre à une réalité sociétale dynamique. Ce faisant, le contenu de la formation doit être inspiré de la réalité ayitienne, et supporté par des théories universellement acceptées et appliquées avec succès pour le mieux-être de l'espèce humaine. Aussi justes et rationnels que les choix du contenu puissent paraître, une charpente administrative défaillante ne permettra pas de les opérationnaliser à leurs fins. En conséquence, il faut toujours une architecture administrative propre, laquelle supporte un circuit de fonctionnement devant rendre fluide le processus d'exécution. Tels sont des principes élastiques reflétant un tâtonnement rationnel face aux nouvelles initiatives jusqu'à l'établissement des procédures correctes et leur standardisation.
Le résultat escompté est un regain de vitalité de l'académique via l'amélioration, le renforcement et l'adaptation des programmes de licence ou autres dans le court terme, et la conception des programmes post-gradués dans le moyen terme et le long terme. Tout cela pour faire de l'UEH une université phare capable de répondre aux cris de détresse de sa société, d'aider à bien comprendre la nature des problèmes socio-économiques auxquels est confronté le pays, d'accompagner les responsables dans leurs efforts de les résoudre sans heurt, et de préparer des citoyens cadres responsables comme support technique pouvant assurer une bonne gestion future des affaires de la société et aussi de s'égaler à leurs pairs du reste du monde.
Pour une philosophie de l'enseignement supérieur
Toute formation universitaire doit répondre aux modes de fonctionnement et de production d'une société. Les curricula doivent être conçus en conséquence, mais avec une facilité d'adaptation au cours évolutif de la société. Etant donné que tout tourne autour des problèmes à résoudre pour favoriser l'harmonie de la vie collective, et que ce sont des problèmes humains, les solutions s'avèrent universelles, malgré les différences contextuelles. Par exemple : pourvoir de la nourriture à une collectivité, organiser le territoire pour une distribution optimale de l'espace et résoudre les conflits de groupes ont toujours été des préoccupations majeures du genre humain depuis son existence.
Donc, la nécessité d'une solution est pareille dans toute société, mais dans un contexte différent qui fait appel à une approche appropriée. Ce qui laisse entendre que l'affaire d'une société est aussi celle des autres ou la solution pour une société est aussi celle pour d'autres ; il suffit de les mettre en contexte. De par cette logique, un individu qui a reçu une formation universitaire doit non seulement être fonctionnel dans sa propre société, mais aussi dans celles des autres, moyennant une adaptation rapide. Il va sans dire que l'université le forme pour sa société et pour le reste du monde, tout en l'entraînant à développer sa capacité de réflexion et d'analyse avec un esprit critique.
La nature des curricula correspondant à cet objectif
Partant du principe de l'universalité des problèmes et des solutions des sociétés, concevoir les formations universitaires suivant les problèmes de sa société n'isole en aucun cas l'individu sur l'échiquier mondial. Déjà, les connaissances à prodiguer sont celles qui ont aidé d'autres sociétés dans leur évolution. Il faut simplement les adapter à la réalité locale. Pourquoi les principes de production dans une économie devraient être différents d'une société à l'autre ? Pourquoi les principes d'organisation de la collectivité devraient être différents d'une société à l'autre ? Les variantes qui peuvent être notées sont au niveau de la forme et ne portent aucun préjudice à l'universalité de ces principes. Nécessairement, les curricula d'une université à l'autre ne vont pas être fondamentalement différents. Par contre, la connaissance théorique acquise par tout citoyen du monde subit une réinterprétation ou une réorientation épousant la réalité de chaque société, mais l'essence demeure. Dans ce cas, il importe :
* de savoir exactement ce que font les autres suivants leur réalité ;
* d'identifier la nature de ses propres besoins ;
* de différencier les contextes ;
* d'adapter ce qui est adaptable ;
* d'ajouter des réflexions propres à sa réalité.
Par essence tout curriculum doit :
* avoir un contenu qui, reflétant les principes universels, permet de mieux comprendre et résoudre les problèmes humains ;
* tenir compte de la réalité locale et de celle du reste du monde par extension.
Une telle philosophie ne peut que :
* rendre dynamique toute formation universitaire ;
* mieux assister une société dans sa quête de bien-être et de progrès ;
* maintenir une course compétitive vis-à-vis de n'importe quelle université.
Pour une vision de l'enseignement supérieur à l'UEH
Réformer le système académique de l'UEH en :
* le soumettant aux besoins du pays ;
* créant pour l'UEH une place à côté des meilleures institutions avec une même mission académique sur l'échiquier international ;
* formant des cadres compétents et compétitifs tant sur le plan national qu'international.
Tout en répondant aux besoins des secteurs public et privé du pays, l'UEH s'assurera d'un niveau compétitif au même titre que n'importe quelle université du Nord. Dans le court terme et le moyen terme, ce ne sera possible que par la refonte du cursus ou la restructuration du système académique pour élargir la base de la formation prodiguée. Le support approprié, qui sera pourvu aux populations académique et administrative, légitimera les exigences et rigueurs nécessaires au renforcement académique du degré de licence. Tel sera le tremplin pouvant lancer les étudiants vers des programmes de formation post-graduée dans le moyen terme et le long terme par l'instauration du deuxième cycle à l'UEH pour tous les domaines d'études.