Killing Fields a la couleur du cinéma de Mann (noir corbeau), les tics du cinéma de Mann (mise en scène tour à tour nerveuse et contemplative), et l’ambiance du cinéma de Mann (poisseuse et désespérée). Normal, Killing fields est signé Ami Canaan Mann, la fille de Michael (Heat, Miami Vice). Et ça se voit. Même manière de filmer, même goût pour des protagonistes torturés: l’héritage du paternel brûle la pellicule sans qu'une patte propre à la cinéaste ne s’y empreigne jamais. Pourtant, cela ne fait pas de son premier film, un mauvais film. Au contraire. Baigné dans l’atmosphère glauque d’une terre dévastée (Texas City), son voyage est dérangeant, âpre, violent. De l’enquête d’un duo de flics (Sam Worthington et Jeffrey Dean Morgan) sur le meurtre d’une fillette et les disparitions de jeunes filles, elle déroule une intrigue captivante, qui mise absolument tout sur la richesse esthétique offerte par le lieu, sauvage, sombre.
A la manière de Tavernier avec Dans la brume électrique, elle capte tout de ces bayous menaçants : l’Histoire d'un passé, que l’on devine douloureux, les figures fantômes qui gravitent autour, le pire de l’âme humaine qui s’y déploie- telles les ailes de ce vautour, hantant l'écran. Dans ses meilleurs instants, Killing Fields grave des instantanés de noirceur sur les rétines. Dans les pires, l’image écrase le propos et les protagonistes. Toutefois, impossible de ne pas voir dans cet essai opaque la promesse d’un bel avenir cinématographique. Vivement le deuxième.