Par Bernard Vassor
C'était dans la rue Saint-Jacques au 275, qu'un établissement de distilateurs ne comprenait qu'une seule salle, des tonneaux et des bouteilles cernant le lieu. Une unique grande table des chaises en bois brun, un comptoir en zinc étaient le seul mobilier. Parmi la clientèle, d'anciens artistes peintres ayant remplacé la peinture par l'absinthe. Un autre client nommé Paragot est un étudiant ayant dépassé les 78 ans ! Il était adoré des étudiants qui lui offraient forces rasades d'absinthe, en moyenne plus de 17 verres par jour.
Poète à ses heures, il ne fallait pas beaucoup le pousser pour qu'il n'entonne
un de ses poèmes dont le sujet était l'Académie elle-même :
Quand je viens le soir à l'Académie,
Que j'damlande un verr', on me le sert gaîment,
Et j'entend causer droit, anatomie,
Par des homm's qui caus', mais caus' savamment.
Il a également écrit des chansons dont les étudiants reprennaient les couplets en coeur. N'oublions pas le garçon Hilaire, connu dans le quartier latin pour sa force hérculéenne, et la facilité avec laquelle il empoignait les clients récalcitrants pour les jeter sur le trottoir.
Le tableau ne serait pas complet si nous n'y ajoutions pas deux compères qui avaient rebaptisé l'endroit en :
"ACADEMIE D'ABSOMPHE"
Voiici un article écrit en 2007 en compagnie de mon amie Jacqueline Duvaudier aujourd'hui disparue
PAR JACQUELINE DUVAUDIER ET BERNARD VASSOR
J'ai retrouvé dans mes papiers un document préparatoire à la célébration du cent cinquantenaire de la naissance de Rimbaud. Avec ma camarade Jacqueline Duvaudier, la secrétaire générale à l'époque des Amis de Rimbaud, nous avions (elle surtout) préparé un parcours parisien sur les traces d'Arthur Rimbaud. Rétabli dans l'ordre chronologique : 31 août 1870, Arthur arrive à la gare du Nord par Saint-Quentin sans billet valide, il est arrêté par la police et conduit à la prison de Mazas (aujourd'hui démolie, elle était située boulevard Diderot). Après être retourné à Charleville, certains historiens affirment sans preuves qu'il était venu à Paris pendant la Commune de Paris, avec parfois des interprêtations grotesques. C'est à la mi-septembre 1871 qu'il arrive, invité chez Verlaine à la gare de l'Est où l'attendent Paul Verlaine et Charles Cros sur le quai de la gare. Dépité, Verlaine rentre chez lui à Montmartre 14 rue Nicolet, dans la maison de sa belle-famille. Là... surprise ! Arthur est venu directement et a été reçu par madame Mauté de Fleurville, mère de Mathilde épouse Verlaine. Le lendemain, Il visite le Louvre avec Verlaine où il estime que l'on aurait aussi dû détruire toutes ces horreurs. 10 rue Notre Dame de Lorette le photographe Etienne Carjat, fait un portrait de l'adolescent plein de promesses dans ses ateliers. Les deux amis, fréquentent la brasserie du 7 place Pigalle "Le Rat Mort". C'est là que Rimbaud blesse accidentellement Verlaine à la cuisse d'un coup de couteau. L'absinthe devait y être pour beaucoup. . Après avoir été hébergé à Montmartre chez les Mauté, rue Nicolet, il va vivre dans une mansarde rue Campagne Première une maison faisant l'angle de la rue d'Enfer, démolie pour laisser place au boulevard Raspail en 1902. Il se rendit à la librairie Artistique 18 rue Bonaparte, l'éditeur de son ami Paul Demeny. En octobre 1871, Théodore de Banvilleloge Rimbaud dans une chambre sur cour. Il ne resta pas plus d'une semaine. Charles Cros le loge dans son atelier du 13 rue Séguier où il ne vécu que dix jours. Nous savons par une lettre de Jean-Louis Forainà Verlaine, que Rimbaud et lui, attendaient la sortie du travail de "Pauvre Lélian" (employé dans une compagnie d'assurances rue Laffitte) attablés devant un verre d'absinthe au café "Le Cadran" (aujourd'hui le Central) 12 rue Drouot. De Retour de Charleville, en 1872, c'est à l'hôtel d'Orient 41 rue Monsieur le Prince que en mai, Rimbaud vient s'installer. En novembre, à l'hôtel des Etrangers à l'angle du boulevard Saint-Michel et de la rue Racine qui accueille "le Cercle Zutique", Arthur couche au troisième étage. Il a été élu par les parnassiens du "cercle" barman... en compagnie de son ami Ernest Cabaner !!! C'est là qu'il composa le Sonnet des Voyelles. Ensuite, c'est dans une chambre de 3 mètres carrés au sixième étage qui donne sur une cour à l'hôtel de Cluny*qu'il réside. Il se rend souvent à "l'Académie d'Absomphe" (d'Absinthe) 175 rue Saint-Jacques. (c'est aujourd'hui un restaurant Indien). Son ami Jean-Louis Forain le reçoit dans son atelier du mythique 17 quai d'Anjou, l'hôtel Pimodan**, à l'époque dans un triste état de délabrement. Il fréquente le café Tabouret à l'angle de la rue de Vaugirard et la rue de Rotrou. Un marchand de vin à l'angle de la rue Bonaparte et du Vieux Colombier, est le siège de plusieurs dîners "des Vilains Bonhommes" où Fantin-Latour représenta Arthur et Verlaine au milieu d'autres parnassiens dans un tableau intitulé "Le Coin de Table". * Hôtel Cluny, grâce à notre ami Dominique Lejay, nous avons pu inaugurer une plaque en 2004 au numéro 8 de la rue Victor Cousin. **A l'hôtel Pimodan, Baudelaire avait trente ans auparavant un petit appartement sous les toits, donnant sur la cour. Autre coïncidence, Baudelaire avait aussi élu domicile quelques temps au 10 rue de Buci. Nous devons à Steeve Murphy, Jean-Jacques Lefrère, et Michael Pakenham, la confirmation ou la révélation de ces adresses. Notre ami Alain Pouillard, avait un an auparavant organisé une exposition sur ce même thème.