Il y a de cela quelques semaines, j’ai fait l’expérience d’un petit échange de tweets sur le thème : l’école, c’était mieux avant. Depuis 1984 et « le poisson rouge dans le Perrier », je me suis construit une certaine expérience des « envolées de boutique » entre ceux qui seraient les tenants de la pédagogie et ceux qui seraient les garants de l’école républicaine. Qu’on se souvienne du débat par livres interposés entre Danièle SALLENAVE et Daniel PENNAC, sur la lecture. « Le don des morts » pour la première et « Comme un roman » pour le second. Le modèle de la transmission pour l’une et celui de l’éveil, de la centration sur le lecteur – dont il rappelle les droits imprescriptibles, pour l’autre.
Si les deux modèles existent, avec leur lot de métaphores, depuis la nuit des temps ou presque ; doit on pour autant accepter cette injonction permanente de devoir choisir son camp et décider qu’on instruit – qu’on verse du contenu ou qu’on éduque – qu’on prépare le chemin vers le vrai, l’exact ou le juste.
Au détour d’un tweet auquel j’aurais pu/dû ne pas répondre, dans un énième débat ouvert sur la supériorité de l’école d’hier par rapport à celle d’aujourd’hui, j’ai pu me rendre compte qu’à la question « Cet âge d’or que vous invoquez, vous le situez quand sur l’échelle du temps ? »- il n’y avait pas de réponse précise et même pas de réponse du tout.
On peut supposer que cette école d’hier, invoquée par ce jeune trentenaire est celle qu’il a connue vingt ans plus tôt. J’aurais donc pu l’avoir en classe et lui faire découvrir le principe de la multiplication et la découverte des décimaux à partir des activités proposées par Robert Eiler, auteur du manuel « maths et calcul ».
Pour autant, je me souviens que l’éveil, la méthode globale et les mathématiques modernes faisaient déjà l’objet de bien des critiques et que ces sujets passionnaient. Les nostalgiques du certificat d’études, des problèmes de robinet ou de trains qui se croisent, du « cinq fautes = 0″ se déchainaient déjà.Aujourd’hui, je crains qu’on reproche surtout à l’école de ne plus s’acquitter de son travail de sélection. Le fait d’avoir bien travaillé ne garantit plus la réussite. Faire de l’école de la troisième République le modèle indépassable, c’est accepter, voire souhaiter, le retour d’une école à deux vitesses. La sélection se ferait sur le mérite mesuré à travers les performances scolaires. Certains ne parlent-ils pas sérieusement du rétablissement du concours d’entrée en 6ème.
Dans un billet publié, il y a longtemps déjà, je rappelais qu’il y a eu, dans certains lieux, à certaines époques, des classes de fin d’études desquelles aucun élève ne partait en 6ème ; pas même parfois le premier du canton au certificat d’études. Dans les milieux modestes, prétendre faire des études, c’était parfois considéré comme un singulier manque de modestie mais la plupart du temps, c’était surtout hors de portée de la famille.
L’école d’hier m’intéresse beaucoup mais je lui préfère celle d’aujourd’hui parce qu’elle est la nôtre et qu’elle accueille nos enfants et nos jeunes. C’est encore là, plus qu’ailleurs, que se produit chaque jour, chez des millions de jeunes, grâce à des milliers d’enseignants, ce que Seymour Papert appelle si joliment le jaillissement de l’esprit.