Dans les brumes semées, quelques pépites d'humanité brillent, encore faut-il apprendre à les voir, puis, paumes ouvertes les accueillir ; sinon, comme des secondes lunes transitoires dans l'orbite de nos vies, elles disparaissent dans un grand ciel de nuit.
Ce qui s'élève du sol en fumerolles grises dans le ciel froid a toute la légèreté d'une existence vouée à la douleur et aux peines ; le pas se fait léger lorsque le temps lui est donné de ne plus courir après ses vanités.
Lentement s'écartent les brumes où les mots erraient, solitaires, et larmes bues, cœur apaisé, tu peux reprendre le chemin du grand jour.
Oiseau blessé, tu traines tes ailes enduites de mot dans le sable froid, nulle plume pour alléger tes peines, juste ton œil rond qui ne comprend rien ; l'enfant te prend dans ses paumes, pleure de ton dernier soupir, te dépose en terre, allume une ultime lumière et s'en va, chancelant, sur son chemin de vie.
Juste avant de partir boire ma gorgée de givre, puis, sur mon chemin, café fumant au milieu du petit jour, déposer quelques mots, pour allumer pépites de soleil dans le cœur des heures.
Au creux des collines l'hiver s'est blotti, Lure drapé dans son manteau de neige monte à l'assaut du ciel, tu vas, grelottant, sous l'azur qui rayonne, cherchant ici et là dans l'épaisseur des
mousses, d'illusoires refuges pour ton doux silence.
Las d'attendre un signe des étoiles, tu guettes, derrière tes fenêtres la venue d'une lumière, rêvant qu'elle soit radieuse dans le givre de l'aurore, et qu'elle vienne à tes lèvres, déposer le
suc des mots d'outre ciel, cœur haletant et ému.
En pluies s'égrènent les heures, tendre attente sous les cieux étoilés, juste avant que vent ne s'acharne sur le dos du vieux pin, brisant une à une ses branches, à grand fracas de tempêtes :
vous marchez empressés, vos paquets sous le bras, faisant comme si...
Tes mots boivent à la source de l'absence, ta plume trempe à l'encrier du silence, deux rameaux d'olivier te fabriquent un toit : marche le nez en l'air dans la compagnie des étoiles, respire sous d'autres cieux bien plus vastes que ceux-là, coincés entre blocs de béton et trottoirs de bitume.
Chaque jour au métier tu remets ton
ouvrage, nulle certitude au front de ce que seront tes heures, te réfugies dans leur seul déroulement, les yeux levés vers un ciel épuisé ; mais chaque jour pourtant te remettre à pied d'œuvre,
pour le simple soupir posé entre tes mots.
Xavier Lainé