« Problème il y a... »

Je me lève à 7h, comme tous les matins. Une heure de course à pied sur la montagne dite « de la télé », colline de la ville hérissée d’antennes. Des enfants me jettent des pierres, comme d’habitude.
De retour à la maison, je tente de prendre une douche, en vain.. Pas d’électricité, pas d’eau chaude, pas d’eau du tout. « Tank empty », « water pump no work because no power », “generator no petrol”. « Mouschkel ast » (problème il y a).
Je rejoins la salle-à-manger-salon-pièce-commune de la grande maison d’Altayara. Ludovic est là, avec ses œufs frits. Nous nous saluons poliment, sans plus, l’heure n’est pas aux effusions. La machine à espressos ne marche pas, bien entendu. Je suce une capsule de Nespresso sinon je vais pas y arriver. Kiri ou Nutella ? Le deux vont bien avec le nan afghan. J’essaye d’alterner. C’est mon cinquième hiver à Kaboul.
Ludovic épluche un rapport. Il a un peu d’œuf sur le menton. Je l’aime bien, malgré tout.
Je suis plein de bonne volonté : mieux vaut supporter les autres que d’être totalement seul.
Philomène entre dans la pièce, oublie de dire bonjour, puis se ravise car elle a besoin de poser une question et elle imagine que ce serait un peu brutal, sans avoir dit bonjour avant.
Je file au boulot. La rue est boueuse, mais, à tout prendre, c’est mieux que la poussière.
Je salamalèque les gardes devant La Joie de Vivre et entre d’un pas décidé. Une vieille technique de l’époque où je comptais vaguement faire carrière : marcher vite dans les couloirs, prendre un air volontaire, débordé… avant de s’avachir dans son bureau.
Le seul moment agréable de la journée : avant l’arrivée des premiers clients.