La courte carrière de Roger Roger dans la restauration a été jalonnée d’articles de presse. Les angles choisis par les journalistes ont le plus souvent manqué d’originalité : « établissement avec piscine et alcool dans un pays musulman très traditionnaliste » ; « les expats s’amusent sans compter » ; « ghetto protégé par des grands murs et des gardes armés », etc. Un entretien, accordé à un hebdomadaire anglais au cours de l’hiver 2007/2008, a échappé à la règle.
Time Magazine : Monsieur Roger Roger, votre succès est immense ! Dans votre restaurant La Joie de Vivre, on a vu dîner des acteurs célèbres comme Jude Law, Catherine Deneuve, ainsi que des chefs d’Etat de passage dans la capitale afghane… Quelles est votre… recette ?!
Roger Roger (sourire à la fois gêné et teinté de satisfaction) : Que dire… ? Un heureux concours de circonstances… On a ouvert alors qu’il n’y avait rien d’autre ! Et on a beaucoup travaillé. Une petite « touche française » là-dessus.[…]
TM : Mais vous êtes modeste. Tout Kaboul ne parle que de vous. Il paraît que vous êtes aussi écrivain, à vos heures… ?
RR : Oui, enfin, j’essaye. J’aimerais bien rendre un peu cette vie des expatriés à Kaboul. Une galerie de personnages incroyables. Mais la réalité ici est tellement romanesque que j’ai un peu de mal à en rendre compte. Enfin, j’ai commencé une histoire, dont une partie se passe dans un restaurant, Le Rendez-Vous… Difficile d’en dire plus… Sauf que ce n’est pas un roman à clés et que ceux qui le liront pour se reconnaître seront déçus ! Même moi… enfin je veux dire le narrateur… n’est pas patron de restaurant.
TM : On a l’eau à la bouche. Est-il vrai que vos amis vous appellent Rick, comme le personnage joué par Humphrey Bogart dans « Casablanca », patron d’un café-restaurant. Dans un contexte… un peu semblable, non ?.
RR (rires) : Pour plaisanter oui ! (redevenant sérieux) Je trouve que les serveurs chez Rick’s ont l’air de se la couler douce. Beaucoup de laisser-aller.[…] Le contexte, oui et non : la guerre, les espions, un monde cosmopolite, oui, mais les affaires de cœur sont moins… comment dire… sentimentales ! A La Joie de Vivre, on se croirait plus sur un campus de fac que dans un film en noir et blanc.
TM : Ecrivain à vos heures et même, paraît-il, personnage de romans vous même ?!
RR : Oui, enfin pas tout à fait. Disons que ma vie a très très librement inspiré quelques auteurs. Mais ne comptez pas sur moi pour vous donner des titres, certains seraient capables d’aller les lire !
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TM : Des projets ?
RR : Ici beaucoup de gens partent, après des missions courtes, et puis… on les voit revenir. J’ai trouvé plus simple de rester. Il faudrait seulement que je voyage un peu dans le pays, il paraît que c’est très beau. Comme je dis, je ne vis pas en Afghanistan, je vis au « Rendez-Vous »... heu, je veux dire : à "La Joie de Vivre" !
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