Magazine Cinéma
Petit Montparnasse
31, rue de la Gaîté
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Métro : Gaîté / Edgar Quinet
One man show écrit par François Rollin et Jean-Jacques Vanier
Mis en scène par Jean-Jacques Vanier
Mon avis : Jean-Jacques Vanier est un homme à part, une sorte d’extra (très extra)-terrestre qui nous emmène dans son monde à lui, un monde surréaliste, absurde, incongru dans lequel il se sent comme un pingouin sur sa banquise. A l’instar de son homonyme Nicolas Vanier, il n’aime rien tant que les grands espaces de liberté. Sa fantaisie n’a pas de frontières, pas de limites. Pénétrer dans son univers, c’est se préparer à un grand voyage, à une sorte de « rendez-vous en terre inconnue ». Tout au long de ce trajet initiatique, on ne cesse de s’émerveiller, d’aller de surprise en surprise, d’ébahissement en éblouissement. Mais, surtout, on ne cesse de rire ; d’un rire frais et léger, spontané, complice… Grâce à lui, j’ai terminé mon année artistique en beauté.
Dans un décor on ne peut plus nu, Jean-Jacques Vanier prend possession de la scène en pantalon noir et chemise blanche. Il attaque illico presto avec son fameux « tube », le sketch de la cafetière 9 tasses. Là, on est antipodes de George Clooney. On a beau le connaître par cœur, il produit toujours le même effet. L’œil (clair comme un ciel d’azur) écarquillé, il s’efforce de convaincre le public avec une démonstration mathématique aussi énervante qu’hilarante. Qu’ils connaissent ou non ce sketch, les spectateurs, pris en otage, se piquent au jeu. Chacun y va de sa calculette mentale, émet tout haut sa solution, se plante, s’insurge et, découragé, abandonne. S’appuyant sur un éprouvant comique de répétition, Vanier nous a l’usure. On en éprouve presque du soulagement lorsqu’il clôt son raisonnement… On a à peine le temps de recouvrer nos esprits qu’il enchaîne avec un sketch totalement farfelu, un road-movie improbable dans lequel il nous conduit sur le circuit de l’absurde. Ce récit est tellement décalé et imagé qu’il en devient implacable.
Or, arrivés à ce stade du spectacle, on ne se doute pas encore que nous n’en sommes qu’aux amuse-gueule, à la mise en bouche (en esprit plutôt). Ces deux sketchs-là servent en fait à nous dégripper les neurones et à les préparer à sa forme d’humour si particulière. Car ce qui va suivre va nous emmener dans ce fameux pays aux émerveillements dont je parlais en préambule… Imaginez en effet que le one man show de Jean-Jacques Vanier ne comporte QUE cinq sketchs ! Mais les troisième, quatrième et cinquième qui, qualitativement vont crescendo (comme si c’était possible) sont tout simplement des perles rares. C’est énorme. Excellent comédien, mime émérite, imitateur à ses heures, il possède une gestuelle, des intonations, des silences, des jeux de sourcil, des interrogations qui n’appartiennent qu’à lui. Peu me chaut de vous narrer par le menu le contenu de ces trois monuments de drôlerie, de non-sens, de poésie et… d’intelligence. D’abord ce serait impossible… Jean-Jacques Vanier est un pinailleur de l’extrême. Il a le souci du détail obsessionnel. Quand il a un os à ronger, il en décortique le moindre bout de chair, le moindre nerf et il nous le rend complètement nettoyé. Il profère les pires incongruités, les pires inepties avec une totale conviction… Lorsqu’il part sur une route, l’itinéraire n’en est jamais défini et rectiligne. Il emprunte des chemins de traverse, fait diversion, revient sur ses pas, semble s’égarer, se perdre, pour toujours retomber sur ses pattes. La construction de son mécano de l’absurde est magistrale, imparable. Chaque pièce y est ajustée avec une méticulosité quasi maladive et, au final, tout se tient. Plus c’est fou, plus on est sidéré par la totale logique qui en découle. C’est réellement du grand art. Un pur bonheur. La virtuosité du jeu n’y a d’égale que la qualité de l’écriture.
Que voulez-vous de mieux ?
Vous, Vanier, j’en suis fort aise, et bien riez maintenant…