Certes, on pourrait retenir le verre à moitié plein. Les 24% des personnes interrogées qui estiment que c’est François Hollande qui "proposent les meilleures solutions à leurs préoccupations quotidiennes". Ce serait néanmoins se cacher derrière son petit doigt et reconnaître qu’au pays des aveugles, les borgnes sont rois.
La vérité est ailleurs. Le désenchantement des français à l’égard de la politique tient en grande partie à l’impuissance du pouvoir politique à formuler des solutions à la crise et notamment à l’explosion du chômage. Les derniers chiffres sont il est vrai calamiteux. Selon une étude de la société Trendeo pour Les Echos, 880 sites industriels ont été fermés en France depuis 2009 et environ 100 000 emplois industriels ont été perdus durant la même période.
L’échec du volontarisme de Nicolas Sarkozy qui constituait sa marque de fabrique après le ronronnement décadent des années Chirac est aujourd’hui facturé au prix fort par des classes populaires et moyennes qui voient leur environnement et leurs repères s’effondrer.
L’archevêque de Paris, Monseigneur André XXIII confiait dernièrement sur Europe 1 : "Noël a un gout d’ébranlement. On a le sentiment que beaucoup de choses qu’on pensait assurées ne sont plus assurées ou en tous cas sont soumises à perplexité".
Ce sont bien des assurances et des perspectives, non des promesses de lendemains qui déchantent que les français attendent : de bonnes nouvelles sur le font de l’emploi, du maintien de la protection sociale notamment.
A cet égard le discours du sang et des larmes unanimement repris par nos dirigeants politiques est totalement contreproductif dans la mesure où il n’est pas assorti d'un horizon. Or, c’est bien d’une terre promise après les sables du désert dont les électeurs ont besoin.
"Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir" avait dit un jour Aimé Césaire. S’il est une chose à retenir de l’histoire c’est justement le New Deal proposé par F-D Roosevelt pendant la grande dépression de 1933. Une nouvelle donne qui avait pour objectifs de soutenir les couches les plus pauvres de la population, de réformer les marchés financiers et de redynamiser une économie américaine meurtrie depuis le krach de 1929 par le chômage et les faillites en chaîne. Un tel paysage de désolation n'est pas sans présenter de nombreuses analogies avec notre environnement actuel.
Le New Deal c’est le contraire de la résignation, état d’esprit d’ailleurs totalement étranger à Winston Churchill. C’est au contraire de l’audace et du volontarisme, deux qualités bien falotes chez nos candidats à la présidentielle.
Le New Deal aujourd’hui attendu c’est une véritable refondation du contrat social passant par la mise en place d’instruments de régulation économique et un Etat fort, interventionniste qui n'a pas peur de mettre à bas les intérêts de quelques-uns. Ce n'est pas de lécher les bottes des marchés même si, force est de reconnaître, que depuis Roosevelt, hormis l'avidité et la cupidité, l'économie a beaucoup changé.
C’est surtout porter un espoir en étant convaincu qu’il existe une sortie de crise possible, à court terme et non dans une décennie, par l’adoption de mesures pragmatiques et novatrices.
C’est également lutter contre le défaitisme ambiant. Un état d’esprit résumé dans la formule de Roosevelt : "la seule chose que nous ayons à craindre, c’est la crainte elle-même". De cette terrible crise des années 30 devait d’ailleurs naître le meilleur : l’Etat providence. Tout comme étrangement aux lendemains de la seconde guerre mondiale devait éclore, sous l'impulsion du Conseil National de la Résistance, dans un pays à genoux les fondations de la solidarité nationale. Serait-il aujourd'hui décent de renoncer dans un pays qui reste riche à ce que nos anciens ont su créer dans une nation exsangue ?
Du New Deal toujours, le futur président français devra retenir cette période extraordinaire des cents jours pendant lesquels furent adoptées de nombreuses lois très diverses relatives à l'économie américaine. Cents jours, ce sera la fenêtre de tir dont disposera le futur chef de l’Etat pour donner une impulsion et une couleur à son mandat. Cents jours pour le pire ou le meilleur. Pour relever la tête ou courber un peu plus l’échine. Si les candidats ne nous donnent pas de feuille de route, c’est pourtant celle-là que l'on attend.