Il s’agit d’une seconde découverte pour moi, en lisant le nouveau roman de l’auteur burkinabé paru chez Vents d’ailleurs, Belle en savane. Il y a deux ans déjà je chroniquais L’héritier. Texte fort qui reposait sur le même terreau que cette nouvelle parution. Un jeune couple africain vit dans une parcelle familiale dans ce qui pourrait être défini comme le clan du mari. Sita, la jeune femme est belle, mais elle n’est pas l’élue voulue par le clan familial. Elle a elle-même refusé Karfougo, un bon parti, travailleur et amoureux, accessoirement cousin.
Sita tient son foyer. Elle a deux filles. Elle tombe soudainement malade. Elle reçoit le soutien de la famille de son mari jusqu’à ce qu’on apprenne qu’elle a la maladie que l’on ne nomme pas.
Sayouba Traoré brosse toute une série de réactions qui suivent l’annonce d’un verdict : une femme atteinte du sida. Dans son style incantatoire, fait de phrases souvent courtes, qui dans ce livre plaira ou pas selon l’humeur du lecteur, l’écrivain sahélien aborde un sujet tabou en littérature africaine : le sida vu et subi par les femmes. Un narrateur observateur raconte la répudiation de Sita, sa mise au ban de la société et son combat pour faire face avec dignité à l'adversité, la rumeur et au mépris.
L’auteur souligne avec force la violence de ces sociétés patriarcales qui excluent sans ménagement femme et enfants, porteurs du VIH, qui jettent l’opprobre sur une famille, le tout sans questionner le mâle, qui souvent est le véritable vecteur de la maladie. La charge de Sayouba Traoré est lourde et significative, surtout quand on la met en parallèle avec son roman précédent où un jeune homme chômeur se prostituait pour nourrir son clan. D’ailleurs, je me pose un peu la question de savoir pourquoi Belle en savane n’est pas la suite de L’héritier, avec les mêmes personnages. L’issue du roman donne quelques indices et une volonté du romancier de mettre de l’eau dans son vin.
Le reproche qui peut être fait après lecture est à la fois la question du style de Sayouba Traoré qui avait fait la force de L’héritier et celle de la sensation d’inachevé que l’on perçoit sur plusieurs séquences de cette narration, sur la critique de certains archaïsmes des rapports sociaux. Et une densité qui manque un peu sur le personnage de Sita, en particulier dans son rapport à la maladie. La réintégration dans le milieu social semble trop simple. C’est un point de vue. On retrouve par contre le sens du proverbe d’un homme qui semble en savoir beaucoup que ce qu’il nous propose.
Bonne lecture,
Sayouba Traoré, Belle en savane
Editions Vents d’ailleurs, 1ère parution en 2011, 144 pages
Vous pouvez écouter Sayouba Traoré sur RFI