L'année 2011, en pleine démonétisation politique

Publié le 29 décembre 2011 par Sylvainrakotoarison

Quelques carrières politiques se sont écroulées en 2011 alors que d’autres essayent de remonter laborieusement la pente. État des lieux des hausses et des dégradations de l’année politique 2011.

Le potentiel des personnalités politiques ressemble de plus en plus à la bourse. Oscillant au fil des sondages et des gaffes personnelles, parfois, l’aspect psychologique compte autant que la réalité concrète des actes.

L’année 2011 aura été éprouvante pour quelques personnages clefs de la vie politique française et elle n’aura souri qu’à un très petit nombre de personnes.

"Valeurs" en hausse

François Hollande (57 ans), le candidat socialiste, essentiellement la seule réelle valeur qui a pleinement profité de l’année 2011, candidat à la candidature le 31 mars 2011, moqué pour sa détermination solitaire, pense depuis le 16 octobre 2011 qu’il sera le prochain Président de la République dans quelques mois. Pour cela, les sondages l’aident beaucoup dans sa conviction mais tout, pourtant, montre qu’il n’est vraiment pas adapté à la situation depuis qu’il a été désigné : aucune autorité vis-à-vis de son parti et de ses partenaires (Verts), aucune expérience ministérielle qui rassurerait, message politique ultraflou fait pour flouer les électeurs, que ce soit à propos de l’énergie nucléaire, de la retraite à 60 ans, de la réduction des déficits publics ou du vrai faux recrutement de 60 000 fonctionnaires en plus.

Alain Juppé (66 ans), redevenu l’un des ministres clefs depuis le 14 novembre 2010, se comporte en véritable Vice-Président chargé de toutes les affaires internationales. D’une popularité exceptionnelle lorsqu’on se souvient de sa période à Matignon (1995-1997), Alain Juppé ferait figure d’excellent remplaçant à Nicolas Sarkozy pour être le candidat UMP à l’élection présidentielle de 2012. Cependant, il y a peu d’incertitude sur les intentions de Nicolas Sarkozy et Alain Juppé pourrait simplement se contenter de "rester au pouvoir", histoire d’être encore utile au service du pays.

François Bayrou (60 ans), le candidat "central", a également fait une très bonne année 2011 après les cataclysmes des élections européennes (juin 2009) et régionales (mars 2010). Se séparant du MoDem, il a bien réussi sa rentrée d’automne et son entrée en campagne le 7 décembre 2011, élément clef avant les fêtes pour capitaliser en janvier. Des proches de Dominique de Villepin seraient même prêts à le suivre pour lui apporter une composante gaulliste.

Arnaud Montebourg (49 ans), candidat malheureux à la primaire socialiste, a réussi, avec seulement 17,2% des deux millions et quelques d’électeurs, à devenir un acteur majeur de la vie politique malgré la vacuité de ses propositions et un ego qui dépasse largement celui de ses congénères. Il n’hésite pas à semer la pagaille au sein de son propre parti, au risque de le faire échouer en 2012 (quoi de plus intéressant qu’un boulevard pour 2017 ?) en pointant du doigt des comportements contestables d’élus socialistes aux Bouches-du-Rhône et au Pas-de-Calais, et en barrant la route à une nouvelle candidature législative de Jack Lang. Favorable au nucléaire (à cause de son département), il est parvenu à faire croire qu’il était un homme politique différent alors qu’il a toujours joué double jeu, se prononçant par exemple contre le cumul et cumulant allègrement son mandat de député avec celui de président de conseil général.

Jean-François Copé (47 ans), qui avait été mis dans les oubliettes sarkozyennes en 2007, a lui aussi passé une très bonne année 2011 en devenant le 17 novembre 2010 le numéro un de l’UMP et surtout, en l’assumant pleinement dans les médias, au contraire de ses prédécesseurs Patrick Devedjian et Xavier Bertrand. Probablement que la querelle entre François Fillon et Rachida Dati dans la 2e circonscription de Paris a des enjeux beaucoup plus importants qu’une simple bataille d’ego. Elle peut préfigurer la préparation de …2017.

"Valeurs" qui ont disparu du jeu politique

Eh oui, si la montée dans l’opinion politique demande un laborieux travail politique, lent et incertain, la descente peut être très rapide, descente de popularité ou simplement, descente de l’importance dans le jeu politique.

Dominique Strauss-Kahn (62 ans) est évidemment le principal exemple de cet effondrement brutal de la valeur politique. Le 14 mai 2011, son sort était scellé. Il ne sera jamais Président de la République. François Hollande a su habilement préserver l’avance du PS en reprenant l’héritage de sa popularité. Jamais un homme politique n’a fait une si rapide chute politique, qui alimentera les livres de science politique pendant encore de nombreuses années.

Mais il n’est pas le seul à avoir 2011 comme annus horrbilis.

Michèle Alliot-Marie (65 ans), en disgrâce depuis le 27 février 2011, emportée par les Révolutions arabes, ne représentent désormais plus rien politiquement. On serait tenté de dire qu’elle n’a jamais représenté quoi que ce soit, mais en mai 2005, elle avait été donnée sérieusement comme possible Premier Ministre de Jacques Chirac, en 2007, elle aurait pu proposer une voie plus chiraquienne à la candidature présidentielle de l’UMP, et en novembre 2010, elle redevenait première-ministrable. Son incapacité à comprendre le scandale que représentaient ses petits comptes tunisiens en pleine révolution l’a définitivement disqualifiée pour quelle initiative politique que ce soit.

Jean-Louis Borloo (60 ans), lui, reste toujours populaire dans l’opinion publique, mais s’est sabordé avant la tempête. Il s’est en effet complètement kamikazé le 2 octobre 2011 en renonçant à la candidature à l’élection présidentielle. Un renoncement incompréhensible pour tous ses amis, en particulier pour Rama Yade, et les radicaux vont devoir l’assumer difficilement entre Nicolas Sarkozy, François Bayrou ou Hervé Morin… Désormais, s’il est de retour dans les médias, c’est juste pour vendre ses livres.

Olivier Besancenot (37 ans) aussi a renoncé de lui-même à l’élection présidentielle (en mai 2011). Déjà deux candidatures, autour de 4%, lui ont suffi. Le jeune homme a incontestablement un charisme que n’ont pas ni son successeur, Philippe Poutou, ni l’héritière d’Arlette Laguiller, Nathalie Arthaud. Le choix d’avoir transformé la LCR en NPA a été une mauvaise stratégique, probablement à cause de personnalités comme José Bové qui ont préféré la dynamique écologiste.

Nicolas Hulot (56 ans), toujours en tête du hit parade de la popularité politique, s’est complètement cassé les dents avec sa candidature à la candidature écologiste (40,2% le 29 juin et 41,3% le 2 juillet 2011). Dès la déclaration de candidature le 13 avril 2011, très maladroite, au travers d’une campagne inconsistante, il n’a jamais su ce qu’était faire de la politique. Peut-être par naïveté ou par manque de sens politique, l’animateur vedette d’émissions de télévision a dû faire le deuil de toute action sur le terrain politique. C’était déjà la conclusion d’un autre animateur de télévision, Patrick Sébastien, qui, après avoir soutenu François Bayrou en 2007, avait créé le 24 mars 2010 un mouvement politique, le Droit au respect et à la dignité (DARD) pour « remettre l’humain au cœur de la société » mais l’avait dissout dès le 16 juin 2010 après un échec complet (et des réactions de haine manifestées sur son site Internet).

Ségolène Royal (58 ans) est sans doute celle qui a impressionné le plus par sa ténacité mais aussi par son émotion lors de la primaire socialiste. N’ayant recueilli que 4% des voix de deux millions et quelques le 9 octobre 2011, elle est tombée de haut et de ses 16,8 millions d’électeurs réels du 6 mai 2007. Si elle doit désormais renoncer définitivement à toute ambition présidentielle, Ségolène Royal pourrait bénéficier d’un "rebond" de carrière en cas de victoire socialiste aux élections législatives de juin 2012. Son objectif a été clairement identifié : le perchoir, jamais occupé par une femme.

"Valeurs" incertaines pour 2012

Une élection présidentielle est évidemment l’année de tous les dangers pour tous les candidats. Se présenter, c’est risquer non seulement l’échec mais également le krach.

Trois candidats risquent bien de ne pas se relever d’un score beaucoup trop bas : Hervé Morin, Dominique de Villepin et Eva Joly.

Enfin, la situation de Nicolas Sarkozy est très particulière : très impopulaire encore aujourd’hui, il aura de la ressource personnelle dans sa future campagne et joue une sorte de quitte ou double avec les Français, dont l’issue dépendra surtout du niveau de médiocrité de la campagne de son principal rival, François Hollande.

Je n’ai par ailleurs pas placé Marine Le Pen dans les "valeurs en hausse" pour 2011 car justement, après un début d’année flamboyant, elle n’a cessé de perdre du terrain au fil des mois au point de ne plus jamais être dans les sondages dans une position de qualification éventuelle pour un second tour. Quel que soit son score du 22 avril 2012, Marine Le Pen restera dans le paysage politique français encore quelques décennies, peut-être trois ou quatre comme son père…

Quant aux "non candidats", une élection présidentielle est également un événement marquant dans leur propre carrière, s’ils font partie des vainqueurs ou des perdants de l’élection, leur parcours sera profondément remanié.

Mais ce qui compte, avant tout, c’est le destin de la France. Et là, ce n’est pas garanti qu’il en sorte gagnant le soir du 6 mai 2012.

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (27 décembre 2011)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
François Hollande.
Nicolas Sarkozy.
François Bayrou.
Dominique de Villepin.
Eva Joly.
Marine Le Pen.
Hervé Morin.
Jean-Pierre Chevènement.
Jean-Luc Mélenchon.
2012.


 


http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/l-annee-2011-en-pleine-106550