Le mois de mars, un manoir. Gravure de Collaert et Monper. XVI° siècle. Paris.Bibliothèque nationale. Photo Bulloz.
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C’est aussi Monconseil qui recommande au roi de manger des « animelles » ; Louis XIV attribue à ces testicules de bélier des vertus merveilleuses.Le Maréchal de Villeroy invente une sauce à base de jaunes d’oeufs et de beurre. Cette sauce enrobe des morceaux de poulet cuits dans un bouillon aromatisé, puis ils sont égouttés. On les roule alors dans la mie de pain, et on les plonge dans de la friture chaude : c’est le poulet à la VilleroyLa méthode modifiée, qui consiste à passer au jaune d’œuf et la mie de pain des morceaux de poulet ou de petites escalopes ou encore des crêtes de coq, à hérité du nom de Villeroi (sans y) et s’accompagne souvent d’une Villeroi ainsi réalisée :
« Mettre dans une casserole deux jaunes d’oeufs et quatre décilitres de velouté ; mélanger au fouet. Remuer au fouet en plein feu avec une spatule en bois. Retirer du feu quand la sauce nappe la spatule. Au dernier moment ajouter 50 g de beurre. Ajouter de la sauce de cuisson de champignons. Passer à l’étamine et bien vanner pendant le refroidissement. »
Une cuisine au début du XVII° siècle. Olivier de Serres verra avec regret le gentilhomme-fermier quitter la cuisine : "Il ne sait plus ce que c'est que faire bonne chère parce que voulant trancher du grand, il mange à sa salle à l'appétit de son cuisinier tandis qu'auparavant, prenant ses repas à la cuisine, il se faisait servir à sa fantaisie" Images de la bible par Van der Borcht. Photo. Bibliothèque nationale.Paris.
Le Maréchal de Mirepoix fait servir chez lui des » cailles au xérès à la Mirepoix » et une sauce à la Mirepoix » demeurée classique.
Le Cardinal de Bernis que l’on dit habile à retourner les situations, invente les « crêpes dentelles ». Les « cailles à la duxelles », les poulardes à la Montmorency » nous sont parvenues presque en tous points fidèles à leur illustres parrains.
Mais la palme revient au Maréchal de Richelieu, petit cousin du cardinal, gourmet et réputé paillard (1696-1788). C’est à sa table qu’est servie pour la première fois la mayonnaise en 1757 après la prise de Port Mahon.
Les étymologistes ne nous sont pas ici d’un grand secours ; il est bien difficile d’affirmer en effet, à la faveur de ce qui peut n’être qu’une coïncidence que le nom de cette sauce appelée à un si bel avenir est une déformation de Mahonnaise.
D’autres expliquent que son vrai nom est Mayennaise et que son inventeur est le duc de Mayenne. Ou encore qu’elle est due à un cuisinier hypothétique originaire de Mayons, dans le Var ou de Bayonne; auquel cas ce serait Bayonnaise…
Une seule chose est certaine ; la mayonnaise apparaît à cette date sur la table du duc de Richelieu. Le Maréchal, d’ailleurs, ne manque point de ressources dans les situations difficiles.
L’automne, les vendanges. Gravure de Stradan, XVI° siècle. Photo. Bibliothèque nationale. Paris.
Au cours de la guerre de Hanovre, ses troupes capturent d’illustres prisonniers. Ce sont des Princes et des Princesses que le Maréchal se doit de convier à sa table. Son officier d’ordonnance Rullières s’effraie de devoir nourrir d’aussi nombreux convives et représente au duc qu’il » n’y a rien en cuisine si ce n’est un boeuf et quelques racines. »
-Très bien, dit le Maréchal, en voilà plus qu’il ne faut pour faire le plus jolie souper du monde.
Et prenant la plume des mains de son secrétaire, il improvise son fameux « Repas au boeuf » ainsi libellé :
« Menu pour un souper dormant »
Le grand plateau de vermeil avec la figure équestre du Roi, les statues de du Guesclin, de Dunois, de Bayard, de Turenne. Ma vaisselle de vermeil avec les armes en relief émaillé.
Preùier service :
Garbure gratinée au consommé de boeuf
Quatre hors d’œuvre:
Palais de notre beouf à la Sainte-Menehoulde
Petits pavés de hachis de filet de beouf à la coboulette
Les rognons de beouf à l’oignon frit
Gras double à la poulette au jus de limon
Relevé de potage
La culotte de beouf garnie de racines au jus
Six entrées :
La queue de boeuf à la purée de marrons
Sa langue en civet ( à la bourguignonne)
Les paupiettes de boeuf à l’estouffade aux capucines confites
La noix de notre boeuf braisée au céleri
Rissoels de boeuf à la purée de noisettes
Croûtes rôties à la moelle de boeuf
Second service :
L’aloyau rôti (vous l’arroserez de moelle fondue)
Salade de chicorée à la langue de boeuf
Boeuf à la mode à la gelée blonde mélée de pistaches
Gâteau froid de boeuf au sang et au vin de Jurançon
Six entremets :
Navets glacés au suc de boeuf rôti
Torte de moelle de boeuf à la mie de pain et au sucre candi
Aspic au jus de boeuf et aux zestes de citron pralinés
Purée de coeurs d’artichauts au jus de boeuf au jus de boeuf et au lait d’amandes
Beignets de cervelles de boeuf marinés au jus de bigarades
Gelée de boeuf au vin d’Alicante et aux mirabelles de Verdun…
et puis tout ce qui reste de confitures et de conserves.
Note : si par un malheureux hasard, ce repas n’était pas très bon, je ferai retenir sur les gages de Maret (le maître-queux) une amande de 100 pistoles.
Allez et ne doutez plus!
Signé : Richelieu
Ce menu historique a été recueilli par le Président Hénault (1685-1770), surintendant de la maison de la Reine, qui préside le salon de Madame du Deffand (1696-1780) où brillent Fontenelle, Voltaire, Montesquieu, d’Alembert, Hume et la Duchesse de Choiseul. Des laquais passent des ‘baraquilles », c’est-à-dire des canapés tartinés de kavia (caviar) et de boutargue (œufs de mulet séchés et pressés).
Le Brasseur. Le livre des métiers. par Jost Amman. XVI° siècle. Paris, musée du Petit-Palais. Photo. Bulloz
( à suivre …)