Magazine Cinéma
En salles : Les fêtes de fin d'année, période de tous les excès. Plutôt qu’un simple Top 10, je vous ai concocté un Top 15 ! Et plutôt que le traditionnel entrée-plat-dessert, voici un buffet de gourmandises, dans le désordre. Bon app' !
Shame : Manhattan, yuppie, chambre d’hôtel, addiction au sexe... pour un Français, les éléments qui composent la trame de Shame interpellent, forcément. Laissons de côté la rubrique faits-divers pour nous consacrer au cinéma. Et là, pas d’hésitations : il faut se précipiter sur le 2e film du cinéaste britannique Steve McQueen, après Hunger, déjà bien perturbant. Déclaration d’amour à New-York et à son acteur fascinant Michael Fassbender, Shame est l’œuvre la plus crue, la plus forte et la plus dérangeante de l’année.
Hugo Cabret : pour la déclaration d’amour immodérée qu’adresse Scorsese à tous les publics – en 3D, s’il vous plaît ! L’acte fondateur du cinéma en 3D, Scorsese reboot. Eblouissant et généreux.
La Guerre est déclarée : pour son énergie, sa folie, sa vitalité, son exubérance, son audace, sa mélancolie, sa tristesse aussi, sa mise en scène, son regard, son inventivité, son écriture, sa BO, sa lumière, son acteur, son actrice, ses seconds rôles, – bref, incroyable, vital, essentiel. LE film de l’année, qui ne déroge pas au slogan selon lequel quand on aime la vie, on va au cinéma.
Melancholia : le film qu’on aurait eu envie de détester. Et devant lequel on ne peut que s’incliner : tel un peintre qui nous transformerait sa dépression en fresque de la Renaissance, Lars von Trier emporte le morceau. Et signe une ouvre d’une gravité et d’une beauté rarement vues depuis Bergman. Chapeau bas.
La Piel que habito : sombre et dérangeant, lumineux et almadovaresque en diable, Almodovar signe là un vrai film de genre qui emprunte aussi bien à Hitchcock qu’à Franju. Beauté du cadrage et de la lumière, volutes narratives, Almodovar nous entraîne loin dans son délire transgenre. Très loin. Pour livrer in fine une passionnante réflexion sur les fondements de l’identité.
Animal Kingdom : LA découverte du début de l'année : Animal Kingdom, polar australien, sous influence James Gray. Climat de paranoïa qui entoure une famille de criminels, récit d'initiation d'un ado, conflit éthique, confrontation flics vs braqueurs, jeu d'échec à la Miller's crossing, un film magistral fort, percutant, puissant comme une vodka australienne. Un cinéaste à suivre : David Michôd
True Grit : mine de rien, les Coen enquillent avec une régularité imparable chef d’œuvre sur chef d’oeuvre. Après le conte spielbergo-yiddish, A serious man, le western, revisité. Rien que pour les 15mn finales sous une nuit rimbaldienne, avec un Jeff Bridges au sommet…. !
Un Amour de jeunesse : Solaire, lumineux, vivifiant : une magnifique ode à la jeunesse, au temps qui passe, à l'éternité et la fragilité des 1ères amours. Qui rappelle avec éclat Les Roseaux sauvages de Téchiné ou L'Eau froide d'Assayas. Avec une sublime jeune comédienne, qui irradie tout le film : Lola Créton. Une BO délicate et frissonnante. I love
Il était une fois en Anatolie : entre Kafka et Beckett pour le ton, entre Antonioni et Fellini pour la mise en scène et les dialogues, il aurait pu s’appeler Regarde les hommes tomber. Drôle, sombre et pénétrant, un hommage à la femme par l’un des plus grands cinéastes contemporains, capable de rendre captivante la chute d’une pomme dans une rivière, un soir de nuit noire quelque part en Anatolie.
Les Neiges du Kilimandjaro : sous des allures d'un conte contemporain, le cinéaste dresse un constat lucide sur les faillites idéologiques, le déclassement des générations et les désillusions du temps qui passe. Pour finalement livrer une conclusion généreuse, utopique et subversive. Un très grand film, où chacun a ses raisons. Un futur classique à l'instar de La Règle du jeu de Renoir ou Vincent, François, Paul et les autres de Sautet
The Fighter : Come-back de David O. Russel 10 ans après Les Rois du désert qui nous emporte KO debout dès les 1ères images. Histoire d’une émancipation (familiale, sociale, amoureuse), récit d’une relation maléfique entre deux frères autour de la boxe et de la drogue, The fighter s’impose dans la lignée de John Huston et de Bob Rafelson.
Essential Killing : Mineral, pictural, épuré, comme si Gus van Sant ou Antonioni avaient tourné un film de guerre, un film de survie. Magnifique précis de mise en scène, par Jerzy Skolimovski, dont on a pu également redécouvrir l’un de ses plus fameux succès, DeepEnd. On a hâte de redécouvrir le reste de sa filmographie.
The Tree of Life : même si cette Palme d’Or ne provoque pas l’orgasme attendu, respect, Mister Malick ! Respect devant l’ambition d’un cinéaste – rendre compte de l’universalité de nos destinées à travers le destin particulier d’une famille américaine des fifties. Respect devant la beauté incroyable du film : musique, images, montage, décors, effets spéciaux spatiaux, tout concourt à l’émerveillement des yeux, des ouies et des sens. Respect enfin devant la singularité d’une œuvre comme seuls jadis Kubrick, Tarkovski ou Coppola dans ses meilleurs jours en étaient capables.
Habemus papam : L’un des films les plus toniques et les plus jouissifs de l’année, tant sur la forme que sur le fond. Renoncement ? Dépression ? Mélancolie ? Goût pour les chemins de traverse ? Alors, foncez, sur cette fable drôle et généreuse, politique et singulière, portée par un Michel Piccoli au sommet de son art, tout en litote et tendresse. Et filmée par un Nanni Moretti souverain, et envieux de son personnage.
L’ordre et la morale : Kassovitz is back ! et il a la haine – tant mieux pour le cinéma, et tant mieux pour le débat public. Car derrière son titre droit dans ses bottes – qui n’a rien à voir avec Aristote ou Kant – et un poil crâneur, se cache un grand film politique, épique, historique, truffé d’action et de suspens. Et de cinéma ! Sans conteste, l’échec public le plus injuste de l’année.
Rideau sur 2011 ! Et maintenant, place à 2012 : Resnais, Carax, Audiard, Desplechins, Malick (deux films annoncés !!), Tarantino, Nolan, Luhrman, Herzog, Scott… Bons films !
Découvrez également le Top 10 2011 de Marcel Martial et le Top 10 2011 de Marsellus Wallace.
Travis Bickle